Contestation du décompte de liquidation dans les marchés publics de fournitures courantes et services
Tout différend intervenant entre le titulaire d’un marché public de fournitures courantes et services et son cocontractant public doit être traité dans le cadre d’une procédure qui est définie et précisée par le Cahier des Clauses Administratives Générales applicables aux fournitures courantes et services (CCAG-FCS).
Bien que le CCAG-FCS ne soit pas obligatoire, il est très fréquent que les personnes publiques acheteuses s’y référent dans leurs marchés publics. Dans ces hypothèses, le CCAG-FCS s’impose aux parties et le titulaire du marché doit donc veiller à le respecter scrupuleusement, notamment lorsqu’il s’agit de traiter un différend intervenu avec le cocontractant public concernant le décompte de liquidation ou de « résiliation » (anc. art. 30 CCAG-FCS 1977 / art. 34 CCAG-FCS 2009).
En effet, tout différend intervenant entre le titulaire du marché et le cocontractant public doit être contesté – désormais – dans le délai de 2 mois (art. 37.2 CCAG-FCS 2009) à compter de sa survenance (l’ancien art. 34 CCAG-FCS de 1977 fixait un délai de 30 jours).
Il est absolument impératif d’être vigilant et sur la survenance d’un différend et sur le délai de contestation, car ce dernier est prescrit à peine de forclusion : c’est-à-dire que si le titulaire ne conteste pas la situation ou l’évènement (le différend) dans le délai, il ne lui sera plus possible de l‘invoquer ultérieurement (il l’aura en quelque sorte accepté).
La contestation s’effectue par le biais d’un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant le montant des sommes réclamées qui doit être notifié au cocontractant public : ce dernier dispose alors d’un délai de 2 mois pour se prononcer dessus (en l’acceptant ou en le rejetant -art. 34 CCAG-FCS 1977 et 37.3 CCAG-FCS). Etant indiqué que le silence du cocontractant public vaut rejet de la réclamation.
Si la réclamation est rejetée par le cocontractant public, le titulaire du marché doit alors saisir le tribunal administratif pour faire trancher le litige, ce qu’il est conseillé de faire dans le délai de 2 mois qui suit.
Une des techniques des cocontractants publics consistaient, pour tenter de faire échec à la procédure ainsi actionnée par le titulaire, à prendre position sur la réclamation sollicitant l’établissement du décompte de liquidation après la saisine du tribunal pour obtenir de ce dernier le rejet de la requête en raison de son caractère prématuré (au « motif » que le cocontractant n’avait pas encore eu le temps de se prononcer dessus).
Le Conseil d’Etat vient, par deux arrêts rendus le 4 mai dernier (CE, 4 mai 2011, Société Coved, req. nos 322337 et 322339), de préciser la procédure et faire échec à ce type de tactique contentieuse.
Désormais, lorsque le cocontractant public est saisi d’un mémoire de réclamation sur un différend du marché visant à l’établissement du décompte de liquidation (anc. art. 30 CCAG-FCS 1977 / art. 34 CCAG-FCS 2009), il doit statuer dans le délai de 2 mois suivant sa réception : à défaut, il est réputé avoir pris une décision de rejet « définitive » et tout document postérieur établissant le décompte de liquidation sera sans incidence sur la procédure engagée devant le juge.
Il demeure en revanche que toute saisine du juge administratif avant l’expiration du délai de 2 mois imparti au cocontractant public pour statuer sur le décompte de liquidation (ou de « résiliation » au sens de l’article 34 CCAG-FCS 2009) peut être considérée comme prématurée, même si le Conseil d’Etat indique que ceci n’a rien d’automatique (conformément aux règles de droit commun de la procédure contentieuse administrative).
Le Conseil d’Etat confirme ainsi sa tendance actuelle à neutraliser les tactiques contentieuses au profit d’une appréhension et d’une gestion efficace, efficiente et de bon sens de la procédure juridictionnelle administrative (comme en atteste également, une autre décision trés récente rendue dans un domaine différent mais également en matière contractuelle : CE, 16 mai 2011, Syndicat mixte pour la valorisation du Pic du Midi, req. n° 341854).
Alexandre Le Mière
Avocat associé