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Le parcours du combattant des pétitionnaires de permis de construire pointé par la Cour des Comptes.

Obtenir un permis de construire est devenu un véritable parcours du combattant pour les opérateurs immobiliers en France. Complexité administrative, règles changeantes, et contentieux de masse : les défis sont nombreux, comme le révèle le rapport de la Cour des Comptes publié le 26 septembre dernier. Face à ces obstacles, comment l’immobilier peut-il s’adapter et quelles solutions peuvent être envisagées ?

Le constat :

  1. Un Processus Long et Coûteux

L’élaboration des documents d’urbanisme (PLU, SCoT, etc.) est une procédure complexe, longue et onéreuse. La Cour des Comptes a pu constater une disparité importante entre les territoires : PLU, PLUI, cartes communales, rendant hétérogène l’application des règles d’urbanisme en France. En outre, la multiplication des règles opposables (code de l’urbanisme, code de la construction et de l’habitation et droit de l’environnement) à la délivrance des permis de construire la règle d’urbanisme est de moins en moins compréhensible pour les pétitionnaires.

  1. L’Urbanisme Négocié, un Phénomène en Hausse

Face aux contraintes réglementaires, la Cour des Comptes constate un phénomène « d’urbanisme négocié » qui s’est développé entre les porteurs de projet et les collectivités locales, notamment par le biais des chartes d’urbanisme ou de labels (dite aussi « chartes promoteurs »).

Même lorsqu’elles sont adoptées en dehors de tout cadre légal, à l’inverse du PLU, ces chartes restent incontournables à l’obtention des permis de construire. Ces phases de pré-instruction/négociation allongent incontestablement les délais d’instruction des demandes de permis et constituent un système opaque de délivrance des autorisations (cf. Ombeline Soulier Dugénie, « L’avenir des chartes promoteurs » – Opérations immobilières, no. 102, 2018.)

  1. Un Contentieux de Masse

Environ 2 % des permis de construire font l’objet de recours. Le contentieux de l’urbanisme ne cesse de croître, engorgeant les tribunaux administratifs. Les retards dans l’adoption des documents d’urbanisme à différents niveaux, la confusion des normes applicables créent des zones de fragilité juridique, favorisant les recours.

Les solutions proposées :

Pour pallier ces problèmes, la Cour des Comptes propose plusieurs pistes de réformes :

  1. Simplification des procédures : La Cour recommande d’instaurer une meilleure fluidité dans l’instruction des demandes via des plateformes en ligne interfacées avec les bases de données des services concernés. Elle suggère également la mise en place d’une phase de dialogue avec les autorités environnementales avant l’analyse d’impact, ce qui permettra de réduire les retards dans les projets.
  2. Renforcement des compétences : L’une des recommandations clés est de renforcer la formation des agents en charge de l’instruction des dossiers afin de pallier le manque d’expertise dans certains services et d’éviter la surcharge de travail.
  3. Encadrement des pratiques extra-légales : La Cour préconise de proscrire l’usage de chartes d’urbanisme ou de labels qui imposent des obligations non prévues par les textes légaux. Ces pratiques, bien qu’utilisées pour améliorer la qualité des projets, peuvent nuire à la sécurité juridique des pétitionnaires.
  4. Révision des documents d’urbanisme : Une autre piste est de simplifier la révision des PLU et des autres documents d’urbanisme, en particulier les délais et en assurant une meilleure cohérence entre les différents niveaux de planification (communes, intercommunalités, régions).

Ombeline Soulier Dugénie

Avocate Associée

La ressource en eau devient un enjeu central dans l’octroi des permis de construire.

La ressource en eau devient progressivement un facteur décisif dans les décisions d’urbanisme. Alors que les sécheresses répétées et l’impact du changement climatique affectent la disponibilité de cette ressource, les autorités locales et nationales commencent à prendre des mesures restrictives concernant l’octroi de permis de construire. Ce phénomène, largement illustré par les décisions récentes dans des départements comme les Alpes-Maritimes et le Var, nous conduit à nous interroger sur la manière dont la raréfaction de l’eau influence désormais les décisions administratives.

Le cas des Alpes-Maritimes est particulièrement révélateur de cette nouvelle approche. Le préfet de ce département a émis un « Dire de l’État » qui impose aux maires de ne pas délivrer de permis de construire si l’approvisionnement en eau des futurs projets immobiliers n’est pas garanti sur le long terme.

La prise en compte de la ressource en eau dans la délivrance des permis de construire n’est toutefois pas nouvelle.

En 2023, le maire de Seillans et président de la communauté de communes du Pays de Fayence (Var) avait décidé de suspendre l’octroi de nouveaux permis de construire pendant cinq ans pour des raisons similaires. Cette mesure a été validée par le Tribunal administratif de Toulon en février 2024, qui a jugé que l’absence de ressources en eau suffisantes constituait une atteinte à la salubrité publique.

En 2023, le préfet de l’Ardèche a interdit ou réduit la délivrance des permis de construire dans 22 communes d’Ardèche en raison du manque d’eau.

Le tribunal s’est fondé sur l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme, qui permet de refuser un projet s’il est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique. Dans ce contexte, la question de la gestion des ressources en eau devient cruciale pour la viabilité des nouveaux projets immobiliers.

La raréfaction de l’eau devient donc un motif à part entière de refus de permis de construire et oblige les opérateurs immobiliers à anticiper cette question dès les premières étapes des projets immobiliers, sous peine de se heurter à un refus de permis de construire.

Ombeline Soulier Dugénie

Avocate Associée

Mots clés :

#urbanisme #droitdelenvironnement #changementclimatique #permis de construire #eau

A quand la réglementation « zéro artificialisation » des sols ?

A l’occasion de deux recours portés par l’Association des maires de France, le Conseil d’Etat a partiellement censuré un décret d’application de la loi Climat et résilience de 2021, dont l’objectif est d’interdire la conversion des espaces naturels, agricoles ou forestiers en espaces urbanisés (zéro artificialisation nette (ZAN)) en France à l’horizon 2050 (CE, 4 oct. 2023, n°465341).

En se référant à la simple notion de « polygones », sans donner de précisions suffisantes sur la manière dont ceux-ci seraient déterminés et appliqués, le décret ne définit pas « l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».

Deux nouveaux décrets de mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » devraient intervenir fin octobre pour corriger l’irrégularité censuré par le Conseil d’Etat.

Les porteurs de projet immobilier ont donc intérêt à déposer leur demande de permis de construire sans tarder ou à solliciter, a minima, une demande de certificat d’urbanisme (CU) pour geler les droits à construire existants.

Par Ombeline SOULIER DUGENIE

PLU bioclimatique : quels risques de sursis à statuer en matière d’autorisations d’urbanisme ?

Le projet de PLU bioclimatique adopté le 5 juin 2023 par le Conseil de Paris n’entrera pas en vigueur avant son approbation prévue au 2ème semestre 2024.

Pour autant, le projet de PLU bioclimatique produit déjà des effets sur les demandes d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, déclaration préalable etc…).

En effet, les projets qui seraient de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse la mise en œuvre du futur PLU bioclimatique risquent de se voir opposer un sursis à statuer (art. L. 424-1 du code de l’urbanisme).

1- Les effets du sursis à statuer sur les demandes d’autorisation

Le sursis à statuer est une mesure de sauvegarde qui a pour but de différer l’autorisation et donc, d’interdire temporairement la réalisation d’un projet.

Les demandes d’autorisation des pétitionnaires peuvent donc être mis en suspens dès l’adoption d’un projet de PLU sans pouvoir excéder 2 ans.

2- Quels sont les projets concernés ?

La simple contrariété d’un projet avec les dispositions du futur PLU ne suffit pas à caractériser la compromission du futur PLU, en particulier si les travaux sont modestes.

Dans son appréciation, le service instructeur prend en compte :

  • la nature et l’importance du projet,
  • le degré de contrariété du projet aux règles futures
  • la destination de la zone 
  • les répercussions du projet sur son environnement

3- Quelle forme doit prendre la décision de sursis à statuer ?

Le sursis à statuer est équivalent à un refus d’autorisation.

La décision doit donc :

  • être motivée (article L. 424-3 du code de l’urbanisme) c’est-à-dire mentionner avec suffisamment de précision les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ;
  • indiquer la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur pourra confirmer sa demande, cette durée ne pouvant excéder deux ans.

4- Comment contester une décision de sursis à statuer ?

4.1- Une décision de sursis à statuer peut-être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de 2 mois à compter de sa notification.

Le contrôle du juge administratif porte sur :

  • la forme de l’acte de sursis à statuer : la motivation est-elle suffisante ?
  • le fond de la décision : le projet est-il de nature à compromettre le futur PLU ?

A titre d’exemple, le sursis à statuer n’est pas justifié lorsqu’il interdit une construction ou une surélévation modeste.

Le pétitionnaire pourra en outre demander, en parallèle de son action en annulation, la suspension en urgence de la décision de sursis à statuer, à condition de justifier d’une urgence selon les critères requis par la procédure de référé suspension.

4.2- Le pétitionnaire à qui un sursis à statuer est opposé peut contester, par la voie de l’exception d’illégalité, la légalité du futur plan à l’occasion du recours formé contre la décision de sursis.

Dans ce cas, le juge administratif doit se prononcer sur la légalité du projet du futur PLU.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
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PLU bioclimatique de Paris : les nouvelles restrictions en matière de meublés touristiques

Le projet de PLU bioclimatique adopté par le conseil de Paris le 5 juin 2023 renforce les contraintes à l’encontre des loueurs de meublés touristiques.

Pour rappel, la réglementation en vigueur prévoit que :

  • Les locaux à usage d’habitation occupés à titre de résidences principales peuvent être loués dans la limite de 120 jours par an et sous réserve du dépôt de la déclaration de meublé de tourisme en ligne.
  • Au-delà de ces 120 jours par an et pour tous les logements ne constituant pas la résidence principale du loueur, ce dernier doit obtenir une autorisation de changement d’usage avec compensation.

Le projet de PLU bioclimatique renforce la règlementation des locations de meublés touristiques en réglementant davantage le changement de destination, lequel est visé par « autres hébergements touristiques ».

1- La création d’un secteur d’encadrement des hébergements touristiques

Le projet de PLU bioclimatique prévoit de constituer un « secteur d’encadrement des hébergements touristiques » au sein duquel seront totalement interdits la création de meublés touristiques :

1.1- Que dit la règle ?

« UG.1.3.3 – Autres hébergements touristiques

(…)

Dans le secteur d’encadrement des hébergements touristiques délimité aux documents graphiques du règlement, la création de locaux relevant de la sous-destination* Autres hébergements touristiques est interdite. »

Au sein de ce secteur, délimité aux plans « équilibres et destinations » du nouveau PLU, les hébergements touristiques sont interdits, quel que soit le projet (construction, extension, changement de destination) et quelle que soit la destination du local (habitation, bureau, commerce).

Il s’agit donc d’une interdiction générale applicable à tout le périmètre.

1.2 – Comment est défini le périmètre ?

Ce secteur couvre en particulier les arrondissements 1 à 11 et une partie du 18ème arrondissement (secteur de Montmartre).

Pour visualiser le au secteur d’interdiction des hébergements touristiques :

https://plubioclimatique.paris.fr/projet/pages/cartesGenerales.html

Les investisseurs de meublés touristiques professionnels devront désormais rechercher des locaux en dehors de ce périmètre, soit dans le 12, 13, 14, 15, 16, 17 et une partie du 18ème arrondissement.

Toutefois, là encore, la création d’hébergements touristiques pourra être contrariée par une condition supplémentaire pour les immeubles en zone UG comportant de l’habitation.

2- L’interdiction totale de créer des hébergements touristiques sur les terrains comportant de l’habitation

2.1- Que dit la règle :

« UG.1.3.3 – Autres hébergements touristiques

Sur les terrains* comportant des locaux relevant de la destination* Habitation, sont interdits :

· les constructions neuves, extensions* et surélévations* relevant de la sous-destination* Autres hébergements touristiques ;

· le changement de sous-destination* des locaux relevant de la sous-destination* Bureau vers la sous-destination* Autres hébergements touristiques. »

Sur les terrains comportant des locaux d’habitation, les hébergements touristiques seront encadrés de la façon suivante :

  • Interdiction totale pour les projets de constructions neuves, d’extensions et de surélévations des locaux d’hébergements touristiques existants ;
  • Interdiction de transformer des bureaux en hébergements touristiques.

2.2- Le changement de destination n’est pas interdit

En conclusion, en dehors du périmètre d’interdiction totale des hébergements touristiques (§1), les hébergements touristiques pourront être réalisés par changement de destination, y compris au sein d’immeuble comportant de l’habitation, sur des locaux autres que les bureaux.

Par conséquent, et sous réserves des dispositions applicables à la protection du commerce, les hébergements touristiques par changement de destination pourront se poursuivre sur des locaux relevant des autres sous-destinations et notamment celles de « artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s’effectue l’accueil d’une clientèle ».

3- Les hébergements touristiques existants sont-ils concernés par ces restrictions ?

Les hébergements touristiques existants, y compris ceux inclus dans le « secteur d’encadrement des hébergements touristiques » ne seront pas remis en cause par ces nouvelles dispositions et pourront continuer à être exploiter normalement.

Toutefois, sur les terrains comportant des locaux d’habitation, ils ne pourront pas faire l’objet de travaux d’extension ou de surélévation.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
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PLU bioclimatique de Paris : quelles sont les nouvelles contraintes en matière de logements sociaux pour les propriétaires ?

Après 3 ans de concertation, le conseil de Paris a adopté le 5 juin 2023 le projet de plan local d’urbanisme bioclimatique.

Le nouveau PLU renforce les obligations des propriétaires en matière de création de logements sociaux.

1- Le renforcement du « pastillage » 

La Ville entend recourir massivement au dispositif du pastillage déjà existant, lequel vise à créer une servitude de mixité sociale sur certains immeubles et parcelles, obligeant les propriétaires à affecter une partie des surfaces en logements sociaux.

611 nouvelles parcelles sont ainsi concernées et seront grevées de cette servitude de mixité sociale, portant ainsi à 1000 le nombre d’emplacements réservés.

En parallèle, le PLU bioclimatique prévoit l’abaissement du seuil de 800 m² d’obligation de logements sociaux à 500 m² pour les projets de restructuration d’immeuble dans les secteurs déficitaires.

2- Quelles contraintes pour les propriétaires ?

En cas construction neuve ou de travaux de restructuration lourde ou de changement de destination des locaux entrant dans le champ d’application du permis de construire ou de la déclaration préalable, une partie de la surface de l’immeuble devra être affectée en logements sociaux.

Pour les immeubles pastillés :

Ces contraintes concernent tous types d’immeubles (habitations, bureaux …).

Pour les immeubles non pastillés mais relevant du seuil de 500 m² :

L’affectation de surfaces en logements sociaux s’appliquent en cas de création de surfaces d’habitation.

Toute demande d’autorisation d’urbanisme ne prévoyant pas l’affectation d’une partie des surfaces, dont les proportions seront fixées au PLU, à la création de logements sociaux se verra refusée.

3- Quels sont les droits des propriétaires dont l’immeuble a été pastillé ?

Les propriétaires pourront exercer le droit de délaissement. Cette procédure consiste à mettre en demeure la ville d’acquérir leur bien au prix de marché, sans tenir compte de la dévaluation induite par le pastillage.

A défaut d’accord amiable sur le prix de vente du bien, le juge de l’expropriation peut être saisi par le propriétaire ou la collectivité pour procéder à la fixation judiciaire du prix.

La procédure de délaissement est une procédure longue ; la Ville dispose en effet d’un délai d’un an pour répondre à la mise en demeure d’acquérir.

Les propriétaires concernés par ce nouveau pastillage pourront également faire valoir leurs observations dans le cadre de l’enquête publique qui s’ouvrira en début 2024. Le PLU bioclimatique devrait être définitivement arrêté fin 2024.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
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DARK STORES / DARK KITCHENS: LA NOUVELLE REGLEMENTATION

« Les dark stores qui n’ont pas demandé à la mairie de changement de destination devront fermer », avait déclaré Olivier Klein, Ministre chargé de la Ville et du Logement, le 6 septembre dernier, annonçant par la même occasion l’adoption de nouveaux textes réglementaires pour encadrer la pratique des dark stores (article du 9 septembre 2022).

La nouvelle réglementation annoncée est parue au Journal Officiel du 24 mars 2023 par la publication de deux textes.

Par un décret du 22 mars 2023 et un arrêté du même jour, le Ministre est venu redéfinir les destinations et sous-destinations des constructions dont la nomenclature figure à l’article R. 151-28 du Code de l’urbanisme.

1- Les dark-stores relèvent de la sous-destination des entrepôts

La sous-destination « entrepôt » est modifiée pour intégrer les dark stores. Les entrepôts constituent donc « les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données ».

La sous-destination de restaurant est précisée, pour marquer sa distinction avec les dark stores, comme « les constructions destinées à la restauration sur place ou à emporter avec accueil d’une clientèle ».

Par conséquent, les dark stores sont des entrepôts dès lors qu’aucun espace n’est affecté à la clientèle, que ce soit pour effectuer, régler ou retirer ses achats – le retrait n’étant admis que pour les livreurs.

2- Les dark-kitchens constituent une nouvelle sous-destination

Une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » est créée à compter du 1er juillet 2023 afin de réglementer les dark kitchens, lesquelles constituent des locaux destinés à la seule préparation de repas, c’est-à-dire sans relation commerciale directe entre le restaurateur et le client. Jusqu’alors, les dark kitchens relevaient de la sous-destination « artisanat et commerce de détail ».

Cela implique donc que :

  • les dark kitchens installées avant le 1er juillet 2023 pourront continuer d’exploiter leurs activités sans risque de mise en conformité ;
  • à compter du 1er juillet 2023, les dark kitchens relèveront de la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire » qui regroupe : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d’exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne. Par conséquent, si les locaux ne relèvent pas d’une des sous-destinations « industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d’exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne », les exploitants de dark kitchens devront alors solliciter une autorisation de changement de destination avant toute transformation du local.

Ombeline Soulier Dugénie
Avocate à la Cour, Associée
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Décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

Arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

LES DARK STORES SONT QUALIFIES D’ENTREPOTS PAR LE CONSEIL D’ETAT

Par un arrêt du 23 mars 2023, le juge des référés du Conseil d’Etat a retenu la destination d’entrepôt aux dark stores détenus par les sociétés Frichti et Gorillas « même si des points de retrait peuvent y être installés ».

En effet, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du 5 octobre 2022 par laquelle le tribunal administratif de Paris, statuant en référé, avait assimilé les dark stores à des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC), considérant que l’occupation de ces locaux ne correspondait pas à une logique de logistique urbaine.

Ce faisant, la juridiction confirme la position du gouvernement et surtout de la Ville de Paris qui tente de limiter l’implantation en centre-ville de dark stores.

Ainsi, le Conseil d’Etat a validé les restitutions des locaux prononcées par la Ville de Paris à l’encontre des deux sociétés dès lors que le changement de destination (de commerce à entrepôt) avait été réalisé sans déclaration préalable et qu’aucune régularisation n’était possible au regard des règles du plan local d’urbanisme de la Ville.

Pour rappel, les locaux à destination d’entrepôts ne sont admis à Paris que sur des terrains ne comportant pas d’habitation et sont interdits dans les locaux situés en RDC sur rue. Sont ainsi concernés par un tel risque les dark store installés ou déclarés sous la destination de « commerce et activités de service » au sens de l’article R. 151-28 du Code de l’urbanisme.

L’annulation de la suspension prononcée par le juge des référés du tribunal de Paris va permettre à la Ville de continuer sa stratégie de fermeture forcée des dark stores sur le fondement de l’interdiction des entrepôts sur toutes les emprises foncières comportant de l’habitation.

CE, 23 mars 2023, n° 468360

Ombeline Soulier Dugenie
Avocate à la Cour, Associée
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Renforcement des pouvoirs de la DGCCRF en matière d’injonction

Le décret du 29 décembre 2022 (n°2022-1701) précise les modalités d’application de la loi « pouvoir d’achat » du 16 août 2022 et confirme le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF en matière d’injonction administrative.

1- Le « name & shame » renforcé en matière d’injonctions de la DGCRRF

Le « name & shame » consiste à ordonner la publication de la sanction, aux frais de la personne sanctionnée, sur les supports suivants : voie de presse, voie électronique ou voie d’affichage – la publication par voie d’affichage comprenant les sites web et réseaux sociaux de la DGCCRF mais aussi de la personne contrôlée. Cette publication est également susceptible d’être ordonnée au Journal Officiel ou dans des organes de presse spécialisée.

Cette publication peut porter sur l’intégralité ou sur une partie de la décision ou prendre la forme d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de cette décision.

Jusqu’alors appliqué en complément des sanctions administratives de la DGCCRF et des injonctions de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite, le « name & shame » est étendu :

  • aux injonctions de se conformer à ses obligations,
  • aux injonctions sous astreinte pour pratique commerciales restrictives (ces dernières ne pouvant auparavant qu’être publiées lorsque le professionnel ne s’était pas mis complétement en conformité à la suite de cette injonction).

Ainsi, à la différence des sanctions, les injonctions consistent à ordonner à un professionnel de cesser un agissement illicite, de se conformer à la réglementation ou de supprimer une clause illégale dans tous les champs d’action de la DGCCRF : lutte contre les pratiques restrictives de concurrence et la protection des consommateurs.

Le prononcé d’une injonction se veut donc préventif et dissuasif et peut donner lieu à une éventuelle sanction administrative, notamment pécuniaire, en cas de non-respect.

Alors même que l’injonction ne constitue pas une sanction, la publication de cette injonction constitue une véritable sanction pour l’opérateur économique : préjudice d’image.

Le renforcement de la capacité d’informer de la DGCCRF vise aussi à instaurer la confiance dans l’économie pour protéger le pouvoir d’achat.

A cet égard, il est ajouté que la publication des injonctions peut être accompagnée d’un message de sensibilisation des pratiques relevées.

La communication est alors l’occasion pour la DGCCRF, à partir des manquements relevés, de rappeler aux consommateurs ce qui constitue des pratiques commerciales abusives, illicites ou anticoncurrentielles ainsi que les droits et obligations de chaque acteur.

Dans les cas d’injonction numérique, il est précisé également que celle-ci peut être accompagnée d’une injonction adressée aux plateformes de rediriger les utilisateurs d’un site bloqué vers une page d’information du ministère chargé de l’économie, indiquant le motif de la mesure de limitation d’accès.

2- Comment contester les mesures de publication de la DGCCRF ?

Les mesures de publication ordonnées par la DGCCRF en complément des injonctions ou des sanctions peuvent être contestées devant le juge administratif qui, après avoir contrôlé la proportionnalité de la mesure de publication, peut prononcer son annulation ou en réduire la durée.

Ce recours peut être exercé en même temps que la contestation de l’injonction ou de la sanction ou même individuellement.

Le recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la mesure de publication ordonnée par la DGCCRF.

Un recours gracieux ou hiérarchique peut être préalablement exercé et prorogera, de 2 mois, le délai de recours contentieux devant le tribunal administratif.

Par Ombeline SOULIER DUGENIE

L’insuffisance d’une étude d’impact environnemental justifie l’action en démolition d’un parc éolien.

Par un arrêt du 11 janvier 2023 (Cass. 3ème civ., 11 janvier 2023, n°21-19.778), la Cour de cassation assouplit les conditions d’une action en démolition suite à l’annulation d’un permis de construire.

1- Rappel de l’action en démolition

1.1- En application de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme (C. Urba.), lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire d’une construction ne peut être condamné par le juge judiciaire à la démolir que sous certaines conditions :

  • le permis doit avoir été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ;
  • la construction doit méconnaitre les règles d’urbanisme ou les servitudes d’utilité publique.

1.2- Les constructions litigieuses susceptibles d’être démolies doivent se situer dans un des secteurs énumérés à l’article L.480-13 C. Urb.

En dehors de ces secteurs, seule une action indemnitaire pourra être intentée.

2- La portée de la décision : l’assouplissement de l’action en démolition

Par un arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a considéré que l’insuffisance d’une étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux constituait une violation à une règle d’urbanisme, justifiant ainsi l’action en démolition intentée par les associations de protection de l’environnement contre un parc éolien.

Ce faisant, la Cour de cassation assouplit incontestablement les conditions de mise en œuvre de l’action en démolition qui n’était jusqu’alors susceptible d’aboutir qu’en cas de violation d’une règle d’urbanisme « de fond » ou substantielle.

Toutefois, le demandeur devra démontrer avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.

3- Comment éviter les risques de démolition en cas d’annulation d’un permis de construire ?

Pour éviter tout risque de démolition, il est possible de purger les illégalités d’un permis attaqué devant le tribunal administratif, par un permis de construire de régularisation (L. 600-5-1 C.Urb.).

Il est également possible de limiter l’annulation du permis à un vice n’affectant qu’une seule partie du projet et d’obtenir la régularisation de la partie annulée du permis (L.600-5 C. Urb.).

Ces procédures de régularisation sont possibles même après l’achèvement des travaux et peuvent être exercées en cours d’instance.

Ombeline SOULIER DUGENIE

Avocat

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046990196?init=true&page=1&query=21-19.778&searchField=ALL&tab_selection=all