Congés payés/maladie : un nouvel argument important pour s’opposer aux demandes des salariés !

On sait que le 13 septembre 2023 la Cour de cassation a décidé d’écarter les dispositions du Code du travail. Alors même que le Code du travail subordonnent l’acquisition des congés payés à la réalisation d’un travail effectif (C. trav., art. L. 3141-3), la Cour de cassation a jugé que le salarié en arrêt maladie, qui ne fournit pourtant aucun travail effectif pendant cette période, devait acquérir des congés payés (Cass. soc., 13 sept. 2023 no 22-17.340 FP-B + R).

En plus de nos précédentes actualités, voici un nouvel argument pour contrer les demandes des salariés en poste ou ayant quitté la société.

  1. Invoquer une perte des congés payés non pris dans les 15 mois de leur acquisition

Ceci est issu d’un arrêt de la CJUE du 9 novembre 2023 : les juges européens qui ont consacré un droit au report pour le salarié malade, autorisent une limite temporelle à ce report.

La CJUE juge que la directive européenne   2003/88 « ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives ».

Le Conseil d’État a d’ailleurs rendu l’avis suivant : « En l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé, du fait d’un congé maladie, dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/ CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de 15 mois après le terme de cette année. La Cour de Justice de l’Union européenne a en effet jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu’une telle durée de 15 mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive. » (Avis no 406009, 26 avr. 2017)

Autrement dit, le Conseil d’État confirme que l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant une période de report des congés payés ne prive pas pour autant le juge à considérer que l’employeur est fondé à lui opposer un délai maximal de 15 mois compte tenu de la position prise par la CJUE dans l’arrêt Schulte.

Conclusion : en cas de litige il faut demander aux juges d’appliquer cette jurisprudence sur la limite temporelle de 15 mois du report, ce pour chaque période de référence concernée.

  1. Invoquer le droit à congés de 4 semaines et non 5

Les décisions prises par la CJUE sur les congés payés des salariés en arrêt maladie concernent uniquement les quatre semaines de congés payés prévues par le droit de l’Union (CJUE, 19 nov. 2019, nos C-609/17 et C-610/17).

Le Conseil d’État est dans le même sens dans l’avis précité du 26 avril 2017, il avait en effet précisé que « ce droit au report s’exerce, en l’absence de dispositions, sur ce point également, dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévue par cet article 7 ».

REDLINK NEWS – Comment contester une demande de rappel de congés payés liée à la maladie ?

On sait que par trois arrêts du 13 septembre 2023 (22-17.340 ; 22-17.638 ; 22-10.529) les salariés malades ou accidentés auraient droit à des congés payés sur leur période d’absence.
 
Les salariés en poste ou ayant quitté la société commencent à écrire aux employeurs pour demander le paiement de congés payés sur ce fondement.
 
Quels sont les arguments pour s’opposer à ces demandes ?
 
Les voici :

·         la loi française n’est pas modifiée à ce jour et l’article L.3141-3 du Code du travail subordonne l’acquisition de congés payés à un travail effectif.

·         les décisions de justice ne valent qu’entre les parties et ne sont pas opposables aux autres : l’article 5 du Code civil interdit les arrêts de règlement.

·         Concernant la Charte des droits fondamentaux qui est souvent citée, l’article 31 § 2 de la Charte indique que : « Tout travailleur a droit à (…)une période annuelle de congés payés » et l’article 52 de ladite Charte intitulé « Portée des droits garantis » indique que « toute limitation(…) doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées (…). »

 
La limitation prévue par l’article L.3141-3 du Code du travail est donc parfaitement légale et valable.
 

·         la Directive Européenne 2003/88 du 4 novembre 2003 qui est souvent citée prévoit en son article 7 le bénéfice de ce droit à congé « conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ ou pratiques nationales ». Cette Directive n’est pas directement applicable en droit interne et ne peut donc pas être invoquée devant les juridictions françaises (cf notamment CA Paris, pôle 6, ch. 4, 9 févr. 2022, no 19/05052).

·         le sujet est depuis « en cours d’instruction » par le gouvernement. Il faut donc attendre les dispositions qui vont être prises au niveau national pour les appliquer.

·         Un salarié en poste ne peut pas demander le paiement d’une indemnité de congés payés.

Pour la suite, comment éviter le cumul de congés payés d’année en année pour des salariés malades ?

Dans un arrêt du 9 novembre 2023 (C-271/22) la CJUE vient d’indiquer que les États membres peuvent prévoir une limitation du droit au report des congés payés dans la limite de 15 mois pour les arrêts maladie de longue durée.

Il faut donc instaurer cette règle dans les entreprises (par accord collectif par exemple).

Conseil pratique en cas de négociation d’une transaction : bien lister les congés payés qui seront payés au terme du préavis pour éviter une demande complémentaire après la signature de la transaction concernant un reliquat de congés payés liés à la maladie et dire que le salarié renonce à toute demande en ce sens.




Benjamin LOUZIER 
Avocat Associé
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