Phygital – La proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace adopté par le Sénat

En première lecture, le Sénat a adopté le 19 février 2020la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace discutée depuis le mois d’octobre 2019.

Partant du constat que « le modèle d’affaires des principales plateformes numériques repose sur des effets de réseau massifs, des rendements d’échelle extrêmes, des économies de gamme, la collecte et l’exploitation de données massives et des cycles d’innovation particulièrement courts qui permettent une croissance rapide et à l’échelle mondiale. Ces spécificités des plateformes favorisent l’acquisition de positions dominantes, voire de monopoles, et la constitution de grands conglomérats mondiaux. Dans le monde numérique, « le gagnant prend tout » (« the winner takes all ») ! » et que ce marché fonctionne en oligopole (cf. Rapport du 5 février 2020, http://www.senat.fr/rap/l19-301/l19-3010.html#toc4), la proposition de loi vise a contrecarré les effet du « web en silos, enfermant le consommateur dans des écosystèmes en vue de le rendre captif, le privant ainsi de son libre choix », notamment sur les smartphones.

Les auditions devant la Commission des affaires économiques ont aussi montré l’importance de l’omnicanalité pour les professionnels du secteur.

Dès lors l’article 1er de la proposition vise notamment à donner une définition du « fournisseur de système d’exploitation : Art. L. 105. – I. du code des postes et des communications électroniques : « Est qualifié de fournisseur de système d’exploitation toute personne qui, à titre professionnel, édite ou adapte le système d’exploitation d’équipements terminaux permettant l’accès à des services de communication au public en ligne ou qui édite ou adapte tout autre logiciel contrôlant l’accès aux fonctionnalités desdits équipements. »

La section II de l’article viserait à soumettre le fournisseur de Système d’information (« FSE ») à des obligations renforcées d’accès pour l’utilisateur : « II. – Le fournisseur de système d’exploitation s’assure que les systèmes d’exploitation et les logiciels mentionnés au I du présent article, dont les magasins d’applications, proposés à des utilisateurs non professionnels situés sur le territoire français, ne limitent pas de façon injustifiée l’exercice, par les utilisateurs non professionnels de tout équipement terminal au sens du 10° de l’article L. 32, du droit, sur internet, d’accéder aux informations et aux contenus de leur choix et de les diffuser, ainsi que d’utiliser et de fournir des applications et des services. ».

Ces obligations ne portent pas sur « les pratiques qui sont strictement nécessaires à la mise en œuvre d’obligations législatives ou règlementaires, à la sécurité de l’équipement terminal et des contenus et données gérés par celuici, ou au bon fonctionnement de l’équipement terminal et des services disponibles au bénéfice des utilisateurs non professionnels et auxquelles des pratiques moins limitatives du droit énoncé au même premier alinéa ne peuvent se substituer. »

L’ARCEP devra établir des lignes directrices, recommandations ou référentiels portant sur ces points, selon la proposition.

De nouveaux articles L. 106 à L. 108 du code des postes et des communications électroniques seraient ajoutés : notamment, un contrôle par le ministre chargé du numérique et l’ARCEP, « de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de leurs missions et sur la base d’une décision motivée » visant à recueillir auprès des FSE « les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect de l’obligation précitée.

Une procédure sera mise en place devant l’ARCEP pour assurer notamment le secret des affaires dans le cadre des instructions de dossiers.

Selon l’Article L. 109, l’ARCEP pourra, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé du numérique, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des FSE.

Les amendes proposées ne pourront excéder 2 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par l’entreprise en cause au cours de l’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, taux qui est porté à 4 % en cas de récidive.

De plus, la proposition adoptée vise à assurer l’interopérabilité des plateformes en ligne au sens de l’article L111-7 du code de la consommation, définie comme « la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. »

Ces plateformes dépassant un seuil défini par décret devront « dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre l’objectif d’interopérabilité des services proposés par les opérateurs de plateformes en ligne », à moins de contraintes légales, de sécurité, ou de bon fonctionnement des services.

Les conditions d’interopérabilité restent à définir, néanmoins, selon la proposition de loi.

Autre volet, la concurrence. Un article L. 430‑2‑1 serait intégré au code de commerce selon lequel l’ADLC devrait une liste d’entreprises structurantes, à savoir au regard d’indices suivants, aux niveaux français et européen ou mondial, : « sa position dominante sur un ou plusieurs marchés, notamment multifaces, le nombre d’utilisateurs uniques des produits ou services qu’elle propose, son intégration verticale et ses activités sur d’autres marchés connexes, le bénéfice qu’elle retire de l’exploitation d’importants effets de réseaux, sa valorisation financière, son accès à des données essentielles pour l’accès à un marché ou le développement d’une activité, l’importance de ses activités pour l’accès de tiers aux marchés et l’influence qu’elle exerce en conséquence sur les activités des tiers. »

Le droit des concentrations leur sera applicable.

L’ADLC aura maintenant accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi qu’aux données utilisées par ces algorithmes.

Dernier volet, la protection du consommateur par un nouvel article L. 111‑7‑3 du code de la consommation : « Les opérateurs de plateforme en ligne s’abstiennent de concevoir, de modifier ou de manipuler une interface utilisateur ayant pour objet ou pour effet de subvertir ou d’altérer l’autonomie du consommateur dans sa prise de décision ou d’obtenir son consentement. »

Puis est établie la taxe GAFAM.

A suivre donc, maintenant que le texte est soumis à l’examen des députés depuis le 20 février.

Frédéric Fournier
Avocat associé