La Cour d’appel de Paris vient de rendre un arrêt intéressant sur la question de la détermination de loi applicable dans le cadre d’un litige ayant trait à la rupture brutale d’une relation commerciale établie dans un contexte international.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 19 septembre 2018 est directement inspiré par un arrêt prononcé par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 14 juillet 2016 (affaire C-196/15 dite « Granarolo »).
Cet arrêt de la CJUE a posé le principe selon lequel une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi-délictuelle au sens de l’article 5 du règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite.
La CJUE précise que « la démonstration visant à établir l’existence d’une telle relation contractuelle tacite doit reposer sur un faisceau d’éléments concordants, parmi lesquels sont susceptibles de figurer notamment l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur, les éventuels accords sur les prix facturés et/ou sur les rabais accordés, ainsi que la correspondance échangée ».
L’arrêt Granarolo précise enfin que les relations commerciales établies de longue date reposant sur une relation contractuelle tacite doivent être qualifiées de contrat de vente de marchandises si l’obligation caractéristique du contrat en cause est la livraison d’un bien.
La Cour de cassation a également suivi la solution prônée par la CJUE dans l’arrêt Granarolo en jugeant que la responsabilité de l’auteur de la rupture est de nature contractuelle et que tribunal compétent est celui du lieu de livraison des marchandises (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 septembre 2017, 16-14.812, au bulletin)
Dans son arrêt du 19 septembre 2018, la Cour d’appel de Paris confirme cette solution de manière extensive en rattachant l’action visant à réparer une rupture brutale d’une relation commerciale établie à la matière contractuelle dans le cas où, comme en l’espèce, « les relations sont établies de longue date entre les parties sur une base contractuelle tacite », sans pour autant passer par l’étape de la qualification du faisceau d’indices concordants.
Les juges du fond confirment ainsi le caractère de loi de police dans l’ordre international de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce qui sert de fondement à la sanction de la rupture brutale d’une relation commerciale établie.
Références de l’arrêt commenté : Paris, Pôle 5-Chambre 4, 19 septembre 2018, n°16/05579
Guillaume Gouachon
Avocat au Barreau de Paris