L’employeur peut engager la responsabilité déontologique du médecin du travail s’il viole ses obligations déontologiques : c’est ce que vient de rappeler le Conseil d’Etat dans sa décision du 6 juin 2018 (nº 405453).
Tel est le cas lorsque le médecin a délivré un certificat médical établissant un lien entre la pathologie d’un salarié et ses conditions de travail, en se fondant sur des constats qu’il n’a pas personnellement opérés, certificat ensuite utilisé dans un dossier prud’homal de harcèlement.
Les faits :
Un médecin du travail rédige un certificat médical en faveur d’un salarié.
Il indique sur celui-ci :
« enchaînement délétère de pratiques maltraitantes ».
Il laisse également entendre que l’employeur ne respectait pas ses obligations en termes de protection de la santé des salariés.
Le salarié a produit ce certificat devant le juge prud’homal dans le cadre d’une instance pour harcèlement moral l’opposant à son employeur.
L’employeur a alors déposé une plainte contre le médecin du travail devant le conseil départemental de l’ordre, pour certificat tendancieux et de complaisance.
Le médecin a fait l’objet d’un avertissement délivré par les instances ordinales. Il a fait un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
La décision :
D’abord, les juges considèrent que l’employeur est en droit d’attaquer le médecin :
« les dispositions du Code de la santé publique permettent à un employeur, dès lors qu’il est lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établie par un médecin du travail, d’introduire une plainte disciplinaire à l’encontre de ce médecin (…) la mention, dans un certificat médical produit devant le juge prud’homal dans le cadre d’un litige l’opposant à son employeur, d’un « enchaînement délétère de pratiques maltraitantes » de la part de ce dernier, lèse cet employeur de manière suffisamment directe et certaine pour que sa plainte dirigée contre le médecin auteur de ce certificat soit recevable ».
Ensuite : le médecin du travail ne peut attester que de ce qu’il a personnellement constaté :
« le médecin ne saurait, toutefois, établir un tel certificat qu’en considération de constats personnellement opérés par lui, tant sur la personne du salarié que sur son milieu de travail ».
Or en l’espèce :
- le médecin du travail a pris parti sur le bienfondé d’un droit de retrait exercé sur un site « qu’il ne connaissait pas ». Il n’était jamais venu sur le site…
- le certificat laisse entendre que l’employeur ne respectait pas ses obligations en termes de protection de la santé des salariés « sans préciser les éléments qui le conduisaient à une telle suspicion et qu’il aurait été à même de constater ». Il en allait de même de la mention de « pratiques maltraitantes » qui ne faisait pas état de faits que le médecin du travail aurait pu lui-même constater.
Conclusion :
Il est recommandé :
- De bien lire toute attestation ou certificat médical que le salarié produit devant le Conseil de prud’hommes dans le cadre d’accusations de harcèlement.
- De contester toute mention de tout médecin (du travail ou non) qui ferait un lien entre la maladie et le travail en demandant au médecin de la retirer. A défaut il faudra saisir le Conseil de l’Ordre.
- De faire de même pour toute mention du dossier médical du salarié qui ferait les mêmes mentions.
- Demander au juge prud’homal d’écarter ces certificats.
Benjamin Louzier
Avocat Associé