Secret des affaires : la directive en voie d’adoption, et probablement des effets utiles pour les entreprises et les réseaux de franchise
Très critiqué par la presse, le projet de protection du savoir-faire suit sa marche pour lutter contre le vol d’informations et assure selon la commission européenne, la compétitivité des entreprises et pour l’Europe, l’objectif de « devenir un leader mondial sur le plan de la science et de l’innovation ». Au-delà de ces discussions, le texte a un grand intérêt et est attendu. C’est la « stratégie Europe 2020 » qui guide le projet « afin de donner aux entités économiques spécialisées dans la recherche et l’innovation un meilleur accès au capital-risque et au financement ».
L’objectif du texte est d’établir l’équilibre entre « la science ouverte et l’innovation ouverte » et les droits de propriété intellectuelle qui résultent d’une création et élaboration non protégeables. Certes la confidentialité existe mais n’est pas suffisante.
La Commission relève que « les secrets d’affaires sont tout aussi importants pour la protection des innovations non technologiques », hors champ de la protection de la propriété industrielle. Il faut surtout protéger les PME.
Deux études ont été réalisées en janvier 2012 comparant les législations en matière de protection contre l’appropriation illicite des secrets d’affaires dans l’Union et en mai 2013, sur « l’évaluation des fondements économiques des secrets d’affaires et de la protection contre leur appropriation illicite, ainsi que sur une analyse plus approfondie de la protection juridique des secrets d’affaires dans toute l’UE ».
La Commission européenne explique que :
- « Le chapitre I définit l’objet de la proposition (article 1er): la directive concerne l’obtention, la divulgation et l’utilisation illicites de secrets d’affaires et les mesures, procédures et réparations à mettre en place aux fins des recours civils en la matière.
- Toujours dans le chapitre I, l’article 2 définit les concepts clés. La définition d’un «secret d’affaires» comporte trois éléments: i) les informations doivent être confidentielles; ii) elles ont avoir une valeur commerciale en raison de ce caractère confidentiel; iii) le détenteur du secret d’affaires a pris des dispositions raisonnables pour préserver sa confidentialité. Cette définition est calquée sur celle des «renseignements non divulgués» qui figure dans l’accord sur les ADPIC.
- La définition d’un «détenteur de secret d’affaires» inclut comme élément clé le concept du caractère licite du contrôle sur le secret, qui figure également dans l’accord sur les ADPIC. Elle permet donc une défense du secret d’affaires non seulement par son détenteur initial, mais aussi par les titulaires d’une licence.
- La définition d’un «produit en infraction» intègre une évaluation de la proportionnalité. Il faut que les produits qui sont conçus, fabriqués ou commercialisés à l’aide d’un comportement illicite bénéficient de manière notable du secret d’affaires en question pour qu’ils soient considérés comme des produits en infraction. Cette évaluation devrait être faite dès lors que sont envisagées des mesures ayant une incidence directe sur des produits fabriqués ou mis sur le marché par un contrevenant.
- Le chapitre II définit les circonstances dans lesquelles l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est illicite (article 3), ce qui donne le droit au détenteur dudit secret de demander l’application des mesures et réparations prévues par la directive. L’élément-clé pour que ces actes soient considérés comme illicites est l’absence de consentement du détenteur du secret d’affaires. L’article 3 rend illicite l’utilisation d’un secret d’affaires par un tiers n’ayant pas participé directement à l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites initiale, mais qui a ou aurait dû avoir connaissance de cet acte illicite initial, ou qui a été informé de son caractère illicite. L’article 4 précise expressément que la découverte indépendante et l’ingénierie inverse sont des moyens légitimes d’obtenir une information.»
- « Le chapitre III détermine les mesures, procédures et réparations qui devraient être mises à la disposition du détenteur d’un secret d’affaires en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite de ce secret par un tiers.
La section 1 établit les principes généraux applicables aux instruments de droit civil visant à empêcher et à réprimer les actes d’appropriation illicite d’un secret d’affaires, qui doivent notamment être effectifs, équitables et proportionnés (article 5), ainsi que des mesures de sauvegarde pour empêcher l’usage abusif de procédures judiciaires (article 6). L’article 7 instaure un délai de prescription. L’article 8 impose aux États membres de prévoir des mécanismes permettant aux autorités judiciaires de protéger le caractère confidentiel des secrets d’affaires divulgués devant une juridiction aux fins de la procédure. Parmi les mesures possibles doivent figurer: la restriction de l’accès à tout ou partie des documents soumis par les parties ou par des tiers; la restriction de l’accès aux audiences et rapports d’audience; la possibilité d’obliger les parties ou des tiers de rédiger des versions non confidentielles des documents qui contiennent des secrets d’affaires; la rédaction de versions non confidentielles des décisions judiciaires. Ces mesures devraient être appliquées de manière proportionnée, de façon à ne pas nuire au droit des parties à un procès équitable. Les mesures de confidentialité doivent s’appliquer pendant l’action en justice, mais aussi après celle-ci pour les demandes d’accès du public aux documents, aussi longtemps que les informations en question demeurent un secret d’affaires.
La section 2 prévoit des mesures provisoires et conservatoires, sous la forme d’ordonnances de référé ou de saisies conservatoires de produits en infraction (article 9). Elle établit aussi des mesures de sauvegarde afin de garantir le caractère équitable et proportionné de ces mesures provisoires et conservatoires (article 10).
La section 3 précise les mesures qui peuvent être ordonnées par un jugement au fond. L’article 11 prévoit l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires, l’interdiction de fabriquer, d’offrir, de mettre sur le marché ou d’utiliser des produits en infraction (ou d’importer ou de stocker de tels produits à ces fins), ainsi que des mesures correctives. Ces mesures sont, entre autres, la destruction par le contrevenant de toutes les informations qu’il détient en rapport avec le secret d’affaires obtenu, utilisé ou divulgué de façon illicite, ou leur remise au détenteur initial de ce secret. L’article 12 établit des mesures de sauvegarde pour garantir le caractère équitable et proportionné des mesures prévues à l’article 11. »
(http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52013PC0813)
Frédéric Fournier
Avocat Associé