Droit souple : opposabilités aux professionnels et délais de contestation.
1- Les actes de droit souple sont des « avis, recommandations, mises en garde et prises de position » adoptés par des autorités de régulation dans l’exercice de leurs missions (cf. brève Redlink « Le recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple émis par les autorités de régulation ») qui sont susceptibles d’impacter ou d’affecter – notamment – la situation des opérateurs économiques aux plans économiques et des comportements.
Un acte de droit souple est donc susceptible de faire l’objet :
- d’un recours juridictionnel avec l’objectif d’obtenir du juge compétent qu’il le remette en cause (totalement ou partiellement) ;
- d’un recours administratif, auprès de l’autorité qui l’a émise, avec l’objectif que cette dernière revienne sur son acte (là aussi totalement ou partiellement).
2- L’existence ou la « découverte » (parfois tardive) d’un acte de droit souple affectant ou impactant la situation d’un opérateur économique conduit à s’interroger sur les modalités permettant de le remettre en cause.
Or, la première question qui se pose est souvent de savoir s’il est encore temps d’agir. Car, en effet, en droit public et réglementaire français, le principe est que toute « décision » ne peut faire l’objet d’un recours que dans un délai de deux mois à compter de sa publication (ou de sa notification en cas de décision individuelle – voir sur ce point : brève Redlink « La prescription administrative est fixée à un an »).
Ainsi, par exemple, le délai de recours à l’encontre de décrets et d’arrêtés court à compter de la publication au Journal Officiel de la République Française.
Pour ce qui concerne les actes de droit souple, le Conseil d’Etat a décidé que ce délai court à compter de « la mise en ligne (…) sur le site internet de l’autorité » considérée, « dans l’espace consacré à la publication des actes de l’autorité » (CE, Sect., 13 juillet 2016, Société GDF Suez, req. n° 388150).
Dès lors que le délai de recours de deux mois est passé, les opérateurs économiques ne peuvent plus obtenir la remise en cause directe et rétroactive de l’acte de droit souple qui s’impose désormais pleinement.
3- Passé ce délai, les opérateurs économiques disposent, heureusement, d’une séance de rattrapage en pouvant solliciter le retrait ou l’abrogation de l’acte considéré (le mécanisme et la procédure d’abrogation étant notamment encadrés par les dispositions du Codes des Relations entre le Public et l’Administration – CRPA).
Néanmoins, le retrait ou l’abrogation n’a d’effet que pour l’avenir et le passé reste régi par l’acte de droit souple précédemment publié.
4- Du point de vue des opérateurs économiques, cette décision du Conseil d’Etat a d’abord pour conséquence et portée induite que tout acte considéré de droit souple émis par une autorité de régulation devient donc opposable à compter de sa « publicité ».
Le risque pour les opérateurs économiques est donc potentiellement de se voir reprocher de ne pas avoir respecté ce dernier, alors que l’acte de droit souple est en ligne depuis un certain délai.
Ce constat induit pose la question du traitement a posteriori de l’acte de droit souple dès lors qu’il sert de fondement à des griefs ou des reproches, voire à des poursuites, d’une autorité de régulation (ou, de façon incidente, à l’occasion d’autres actions) – qui, à ce stade conduit vers les théories de l’exception d’illégalité et des opérations complexes.
Cette décision du Conseil d’Etat conduit ensuite s’interroger sur les stratégies à mettre en œuvre pour faire face à l’édiction – ou à la découverte tardive – d’un acte de droit souple. En effet, il est – notamment – possible d’agir en amont par le biais d’un recours administratif et dans une perspective de « négociation » et de « collaboration » avec l’autorité concernée ou en avant par le biais d’un recours contentieux directement devant un juge.
Alexandre Le Mière
Avocat Associé
(Alexandre Le Mière et l’équipe droit public de Redlink interviennent au quotidien dans ce domaine en accompagnant les opérateurs économiques, des groupements professionnels et/ou des lobbyistes dans leurs relations avec les autorités administratives productrices de normes lors des consultations préparatoires, des processus collaboratifs, des processus de discussion et négociation publique, et en les assistants et les représentants dans les recours administratifs et contentieux)