Marché public : circonscrire le contenu des offres
1. Les offres déposées par les entreprises candidates lors des appels d’offres de marchés publics doivent normalement être conformes aux demandes formulées par le pouvoir adjudicateur.
Des erreurs pouvant être commises par les entreprises, le Conseil d’Etat a cependant développé une jurisprudence, stricte, permettant de les corriger.
2. Il appartient en effet au pouvoir adjudicateur de s’assurer que l’offre n’est pas affectée d’une erreur matérielle (étant pour mémoire rappelé qu’il ne peut s’agir que d’une erreur purement matérielle ; cf. précédentes brèves : 19/01/2012 Le candidat à un marché public peut seulement rectifier une erreur purement matérielle affectant son offre. ; 04/10/2011 : Le candidat à un marché public peut rectifier une erreur purement matérielle affectant son offre).
En cas d’erreur décelée, le pouvoir adjudicateur dispose de la faculté de solliciter le candidat pour qu’il l’a rectifie sur le fondement de l’article 59 du Code des marchés publics (CE, 21 septembre 2011, Département des Hauts-de-Seine, req. n° 349149 ; CE, 16 janvier 2012, Département de l’Essonne, req. n° 353629).
3. Mais, attention, il s’agit bien d’une simple possibilité.
Le pouvoir adjudicateur n’est jamais tenu d’inviter le candidat à rectifier son offre qui comporterait une erreur qui a été décelée (CE, 26 septembre 2012, Communauté d’agglomération Seine-Eure, req. n° 359706, arrêt, pt. 5).
Par conséquent, s’il n’invite pas le candidat à rectifier une erreur décelée, le pouvoir adjudicateur est alors normalement tenu d’écarter l’offre erronée (même arrêt, pt. 12).
4. C’est dans ce cadre juridique que les entreprises doivent appréhender et circonscrire les marges de manoeuvre dont elles disposent lors de l’élaboration de leurs offres.
La possibilité de rectifier une erreur matérielle ne porte normalement que sur une erreur qui résulte d’une inattention ou d’une incohérence. Cette possibilité ne permet en effet que de rectifier des contradictions ou des ambiguïtés ou un élément incomplet de l’offre.
Mais, cette possibilité ne permet pas à l’entreprise d’ajouter des prestations qui n’étaient pas visées par l’appel d’offres ; elle ne permet pas non plus au pouvoir adjudicateur de choisir « à la carte » de retenir ou non ces prestations en appliquant la jurisprudence de la « rectification d’erreur matérielle de l’offre ».
5. C’est ce qu’a confirmé la Cour administrative de Douai (17 janvier 2013, Préfet de la Région Nord-Pas-de-Calais , req. n° 12DA00594).
Dans cette affaire, une entreprise avait inséré dans son offre des prestations qui n’étaient pas prévues par le marché. Le pouvoir adjudicateur a, après avoir identifié cet ajout, rectifié unilatéralement l’offre en soustrayant les prestations ajoutées.
Cette soustraction avait conduit à classer l’offre de l’entreprise concernée en première position et par conséquent à lui attribuer le marché, puis à le signer avec elle.
Saisi par le Préfet au titre du contrôle de légalité a posteriori des marchés publics, le juge administratif a indiqué que l’ajout de prestations non prévues par l’entreprise candidate ne pouvait être considéré comme une erreur purement matérielle.
Il a ensuite rappelé que le principe de l’intangibilité des offres interdisait au pouvoir adjudicateur de modifier unilatéralement l’offre remise par le candidat, quand bien même cette rectification aurait fait l’objet d’un accord a posteriori au stade de la mise au point de l’offre avant sa signature.
Le juge a enfin également rappelé que l’éventuel complément apporté à l’offre lors de la phase de mise au point ne peut être que limité dans son ampleur puisqu’il ne doit pas avoir pour objet ou pour effet de modifier les caractéristiques essentielles des offres, ni leur classement établi à la suite de leur analyse.
Le marché a donc été annulé.
6. Les entreprises doivent être particulièrement vigilantes lors de l’élaboration de leurs offres : les documents de la consultation définissent une sorte de « couloir » ou de « tube » à l’intérieur duquel ces offres doivent être cantonnées.
Les entreprises ne peuvent donc, en fonction des prescriptions mentionnées dans les documents de la consultation, « compléter » leurs offres qu’à la marge (laquelle s’identifie et se circonscrit au cas par cas en fonction du contenu des documents de la consultation).
En cas de doute sur l’identification exacte du besoin défini par l’acheteur ou sur sa pertinence, il est probablement plus opportun d’interroger le pouvoir adjudicateur à ce sujet plutôt.
Sortir du cadre défini par les documents de la consultation présente en toute hypothèse un risque que ni le pouvoir adjudicateur ni l’entreprise ne peuvent totalement maîtriser : c’est donc un gage de sécurité juridique pour l’ensemble des parties que de bien circonscrire les limites maximales du besoin défini par l’acheteur.
Alexandre Le Mière
Avocat associé