La conclusion de contrats de certaines personnes privées contrainte par l’Ordonnance du 6 juin 2005
1. Certaines personnes soumises au droit privé sont obligées, en vertu de l’Ordonnance 6 juin 2005 (n° 2005-649), de mettre en oeuvre des procédures particulières préalablement à la conclusion de leurs contrats.
En synthèse, il s’agit de personnes morales qui ont un lien ou une proximité particulière avec une personne publique. Elles sont « assimilables » à une personne publique dans la mesure où elles ont été créées pour satisfaire un besoin d’intérêt général n’ayant pas un caractère industriel et commercial et qu’elles sont contrôlées (soit par le financement, soit par le contrôle de leur gestion, soit par leurs organes de direction) par une personne publique.
2. Ces personnes privées, qui sont alors qualifiées de pouvoir adjudicateur ou d’entité adjudicatrice en fonction de leur activité, sont soumises à des obligations particulières de publicité et de mise en concurrence préalables à la conclusion de leurs contrat, définies par l’Ordonnance du 6 juin 2005 et ses décrets d’application.
Ces procédures de passation qui s’imposent entraînent l’application de règles spécifiques à la période précontractuelle, aux contrats eux-mêmes et les soumettent en outre à des procédures juridictionnelles spécifiques notamment en référés (Ordonnance du 7 mai 2009, n° 2009-515).
3. Les obligations découlant de l’Ordonnance de 2005 et de ses décrets d’application sont très concrètes.
Elles prévoient notamment que les pouvoirs adjudicateurs d’une part et les opérateurs économiques appelés à candidater à une consultation ou un appel d’offres régi par l’Ordonnance de 2005 d’autre part doivent distinguer la candidature, c’est à dire leurs capacités intrinsèques, de l’offre, c’est à dire la proposition technique et économique remise pour satisfaire au(x) besoin(s) spécifique(s) annoncé(s) par le pouvoir adjudicateur.
La Cour de cassation a, ainsi, récemment sanctionné une société d’HLM (pouvoir adjudicateur) qui avait pris en considération l’aptitude des candidats à exécuter le marché pour analyser l’offre spécifiquement proposée par les entreprises au regard du besoin annoncée par ladite société d’HLM (Cass. Com. 15 novembre 2011, n° 10-25654).
4. Cependant, l’Ordonnance de 2005 ne s’applique pas dans tous les cas et à toutes les situations.
La Cour de cassation (14 décembre 2011, n° 10-20.378) et la Cour d’appel de Bordeaux (2 février 2012, n° 11/07183 & 11/778) ont ainsi récemment indiqué que le recours à un expert, désigné par le CHSCT en application de l’article L.4614-12 du Code du travail, ne constitue pas un marché de services au sens de l’Ordonnance de 2005.
Indépendamment de la nature juridique de l’établissement de rattachement (dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, il s’agit de l’AP-HP, établissement public, alors dans celle jugée par la Cour d’appel de Bordeaux il s’agit de la société anonyme gérant l’aéroport de Bordeaux Mérignac), le CHSCT est considéré comme un pouvoir adjudicateur au sens de l’Ordonnance de 2005.
Ses marchés sont donc normalement soumis à l’Ordonnance de 2005.
Mais, cette Ordonnance ne soumet que certains contrats à des procédures de passation imposant une publicité et une mise en concurrence.
En l’espèce, les juridictions ont constaté que la prestation d’expertise à confier à l’expert ne relevait pas d’une des catégories énumérées par la réglementation soumettant la conclusion du contrat à des règles particulières de passation.
5. Les personnes privées exerçant des missions d’intérêt général entretenant des relations de proximité avec des personnes publiques doivent donc, en premier lieu, s’assurer avec précision de leur situation au regard de l’Ordonnance de 2005 pour vérifier si elles y sont soumises.
Les opérateurs économiques fournisseurs et prestataires auprès de ces personnes ne sont, pour leur part, pas dispensés de procéder à ces vérifications soit pour sécuriser leurs propres contrats soit pour déterminer leur possibilités d’actions lorsqu’elles perdent un appel d’offres.
Les pouvoirs adjudicateurs doivent également, en second lieu, vérifier dans quelle(s) mesure(s) les règles de l’Ordonnance de 2005 s’appliquent en fonction de la nature, de l’objet et de l’importance du contrat.
Alexandre Le Mière
Avocat associé