Dans le secteur du commerce de détail d’équipements de la maison, d’arts de la table, d’ameublement et de linge de maison, un franchiseur avait souhaité réorganiser la stratégie digitale de son réseau. A cette fin, il avait régularisé avec ses franchisés des avenants à leur contrat de franchise.
Ces avenants prévoyaient notamment :
- La création par le franchiseur d’un site internet marchand en sus de son site internet vitrine de la marque ;
- L’adhésion et la participation des franchisés signataires au fonctionnement de ce site marchand ; cette participation prenait trois formes particulières :
- Achats réalisés par les consommateurs sur le site du franchiseur et livraisons des produits directement à leur domicile.
Dans le cadre de ces achats, le franchisé était tenu de gérer les échanges éventuels de produits, sans rémunération en contrepartie.
- Achats réalisés par les consommateurs sur le site franchiseur et retrait des produits au sein des boutiques des franchisés signataires.
Dans le cadre de ces achats, le franchisé délivrait le produit prélevé sur le stock du franchiseur et percevait de ce dernier une commission égale à 20% du prix HT du produit.
- Réservation par les consommateurs des produits sur le site du franchiseur.
Sous réserve d’une confirmation de la réservation sous 3 jours, le franchisé vendait directement le produit au consommateur. Il le prélevait sur son propre stock, ce qui lui imposait de disposer d’un stock suffisant tant en quantité qu’en nombre de références proposées et de supporter les frais résultant de cette réservation (réception du produit, stockage, frais de personnel, renvoi du produit au fournisseur le cas échéant).
- Les franchisés étaient tenus de mettre à la disposition du franchiseur l’intégralité de leur base de données clients à des fins marketing.
A la suite de la résiliation de son contrat de franchise, un franchisé du réseau avait assigné le franchiseur aux fins d’obtenir notamment sa condamnation à lui régler une somme indemnitaire, considérant que :
- L’obligation pesant sur lui de mettre son fichier client à la disposition du franchiseur, qui se serait ainsi octroyé la faculté de détourner sa clientèle, incitée à commander les produits de la marque du franchiseur directement sur son site marchand, constituait un avantage sans contrepartie au sens de l’ancien article L. 442, I, 1° du Code de commerce ;
- Les conditions imposées par le franchiseur au franchisé dans la mise en œuvre de son site internet marchand caractérisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
Dans un arrêt du 22 mai 2019 (17-05279), la Cour d’appel de Paris rejette ces demandes, aux motifs principaux que :
- « Il existe bien des contreparties réelles et sérieuses à la mise à disposition temporaire, par le franchisé, de sa base de données clients. Celles-ci résident dans l’exploitation des coordonnées des clients, soit à des fins de fidélisation de ces derniers, soit à des fins marketing, pour accroître le volume de vente des membres du réseau».
- Concernant la première forme de participation du franchisé au site marchand du franchiseur (Achats en ligne livrés directement à domicile) : « la seule obligation de garantir un échange de l’article ne génère pas d’obligations disproportionnées : le franchisé ne démontre pas disposer de stocks insuffisants en termes de taille, puisque la plupart des échanges sont relatifs à cette question. En outre, aucun avoir n’est délivré et le franchisé dispose d’une capacité de réapprovisionnement qu’il peut exercer à tout moment, grâce au système informatisé de gestion des stocks mis à sa disposition par le franchiseur».
- Concernant la deuxième forme de participation du franchisé au site marchand du franchiseur (Achats en ligne avec retrait du produit en boutique) : « le franchisé n’assure dans ce cas aucune gestion de stock (le produit est prélevé sur le stock du franchiseur), (…) il n’assure également aucun frais de port. Il n’est donc pas manifestement disproportionné qu’il soit moins rémunéré que lorsqu’il vend sur son propre stock, (…) le détournement du flux en boutique permet d’attirer les clients et les inciter à acheter».
- Concernant la troisième forme de participation du franchisé au site marchand du franchiseur (Simple réservation en ligne du produit) : «le franchisé ne démontre pas en quoi ce mode de réservation lui imposerait un déséquilibre manifeste dans ses obligations. L’existence d’un stock suffisant est indispensable, dans la distribution et ne saurait constituer une contrainte par nature ».
Régis Pihery
Avocat Associé