Nouvelles précisions sur la notion de relations commerciales établies
Par deux arrêts du 25 septembre 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté des précisions quant à l’appréciation de la notion de relation commerciale établie au sens de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Dans la première affaire [cass. com., 25 septembre 2012, pourvoi n° 11-24.301, Sté Nestlé France / Sté Charles], une société importait, sans contrat écrit, des potages en sachet fabriqués par la société Nestlé Maroc puis avait conclu douze ans plus tard avec la société Nestlé France un accord de distribution exclusive pour la commercialisation de ces produits en France, en contrepartie d’engagements d’achat. Nestlé France ayant dénoncé le contrat moyennant un préavis d’un an, la société a assigné cette dernière pour rupture brutale de relation commerciale établie, en faisant notamment valoir que la durée du préavis devait s’apprécier à l’aune de la durée totale de la relation entretenue avec les sociétés du groupe Nestlé.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel ayant donné raison à la société (Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, ch. 4, 29 juin 2011, RG n°09/17336), en constatant que la relation portait sur les mêmes produits, s’appuyait sur les mêmes moyens marketing et industriels, et que les parties entendaient se situer dans la continuation des relations antérieures, le but d’un contrat écrit étant, selon la Cour, de poursuivre et développer les relations existantes en s’appuyant notamment sur l’expérience de la société acquise dans sa relation avec Nestlé Maroc. Il résulte d’une telle solution qu’une entreprise peut entretenir une relation commerciale unique avec deux parties différentes, en ayant conclu successivement deux accords distincts.
Dans la seconde affaire, [cass. com., 25 septembre 2012, pourvoi n° 11-24.425, Stés Planète Prod & Presse Planète / Sté France Télévisions] deux sociétés de production avaient réalisé entre 1998 et 2005 diverses émissions pour France 2, avant de voir leur relation brusquement stoppée suite à la réorganisation de la programmation par France 2. Ces sociétés avaient alors assigné France Télévision pour rupture brutale de relation commerciale établie.
La Cour confirme l’arrêt d’appel ayant donné raison aux sociétés (Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, ch. 2, 1er juillet 2010), en considérant que la conclusion de plusieurs conventions successives représente un courant d’affaire significatif et donne la mesure du caractère stable, suivi et même habituel des relations nouées par les parties, peu important que ces contrats fussent indépendants les uns des autres et aient portés sur des prestations distinctes. La Cour estime que l’importance du courant d’affaires ne pouvait que conforter les sociétés dans l’idée qu’elles avaient noué avec leur cocontractant une relation commerciale établie que ce dernier entendait poursuivre. Selon la Cour, la nature de la prestation importe donc peu et il doit être tenu compte de l’ancienneté et la stabilité de la relation commerciale, le volume d’affaires qu’elle représente et les perspectives d’avenir que peuvent en avoir les parties.
Charles Méteaut
Avocat à la Cour