Le télétravail est-il obligatoire après le vote de la loi le 16 janvier 2022 ? Réponse : NON, toujours pas…

Le télétravail est-il obligatoire après le vote de la loi le 16 janvier 2022 ? Réponse : NON, toujours pas…

Les députés ont définitivement adopté le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, le 16 janvier 2022.

La loi prévoit les fameuses amendes administratives en cas de situation dangereuse liée à la Covid-19. Parallèlement le protocole sanitaire évoque 3 jours de télétravail « obligatoire ».
 
Le télétravail est-il devenu obligatoire ?
Non

  1. Amende administrative en cas de situation dangereuse liée à la Covid-19

En cas de situation dangereuse résultant d’un risque d’exposition à la Covid-19 du fait du non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention, le Dreets compétent pourra prononcer une amende administrative à l’encontre de l’employeur. Il devra préalablement l’avoir mis en demeure de se conformer aux principes généraux de prévention et l’inspecteur devra avoir constaté que l’employeur n’a pas mis fin à la situation dangereuse à l’expiration du délai prescrit.
L’amende pourra aller jusqu’à 500 € par travailleur concerné par le manquement, dans la limite de 50 000 € au total.
La décision prononçant l’amende pourra faire l’objet d’un recours hiérarchique suspensif, devant le ministre chargé du Travail, par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de 15 jours à compter de sa notification. Le ministre aura deux mois pour y répondre, faute de quoi son silence vaudra acceptation du recours. En revanche, l’employeur ne pourra pas exercer de recours hiérarchique suspensif contre la mise en demeure précitée.

  1. Cela peut-il permettre à l’Inspecteur du travail de sanctionner l’absence de télétravail ?

          NON.

          En effet le texte de la loi indique :
 
         « Par dérogation au second alinéa de l’article L. 4721‑2 du code du travail, lorsque la situation dangereuse résulte d’un risque d’exposition à la covid‑19 du fait du non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention prévus aux articles L. 4121‑1 à L. 4121‑5 et L. 4522‑1 du même code, l’autorité administrative compétente peut, sur le rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail et sous réserve de l’absence de poursuites pénales, prononcer une  amende à l’encontre de l’employeur si, à l’expiration du délai d’exécution de la mise en demeure prévue à l’article L. 4721‑1 dudit code, l’agent de contrôle de l’inspection du travail constate que la situation dangereuse n’a pas cessé. »

          Le télétravail n’est pas mentionné et le protocole sanitaire non plus.

3. Le protocole sanitaire imposant le télétravail est-il contraignant ?

           NON 

           Il n’existe que par la voie du Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise.
           Il émane du seul ministère du Travail et s’apparente à une simple circulaire.

           Selon deux ordonnances du Conseil d’État (ordonnance du 19 octobre 2020 (no 444809) // 17 décembre 2020 (no 446797)) il n’est pas contraignant:

           « le protocole dont la suspension est demandée constitue est un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de                    l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail ».

  1. L’employeur peut-il choisir d’autres solutions que le télétravail ?

    OUI.

    Le Conseil d’Etat indique que c’est l’employeur qui choisit les mesures à mettre en œuvre au titre de son obligation de sécurité :

    « …le protocole a pour seul objet d’accompagner les employeurs dans leur obligation d’assurer la sécurité et la santé de leurs salariés au vu des connaissances scientifiques sur les modes de transmission du SARS-CoV-2 et n’a pas vocation à se substituer à l’employeur dans l’évaluation des risques et la mise en place des mesures de prévention adéquate dans l’entreprise… ; qu’il lui incombe dans ce cadre d’évaluer les risques et de mettre en œuvre des actions et moyens de prévention adaptés; que la mise en place du télétravail pour les activités qui le permettent participe des mesures pouvant être prises par l’employeur dans ce cadre. »

    Le protocole sanitaire n’a donc pas pour effet d’imposer aux entreprises le télétravail.

    Celles-ci conservent le pouvoir d’évaluer les risques et de mettre en œuvre les mesures de prévention et d’organisation, dont le télétravail, qu’elles jugent les plus adaptées pour assurer la sécurité de leurs salariés
  1. L’employeur peut-il être sanctionné par l’Inspection du travail s’il ne met pas en place le télétravail ?

    Non.

    L’absence de mise en œuvre du télétravail ne peut être sanctionnée par une contravention pénale dans la mesure où il ne repose sur aucune obligation législative ou réglementaire.

    Un inspecteur du travail ne peut pas dresser autant de procès-verbaux qu’il y a de salariés qui ne sont pas en télétravail, faute de texte.

6. En revanche l’Inspection du travail peut mettre en demeure l’employeur de prendre « toute mesures utiles »

L’article L. 4121-1 du Code du travail sur l’obligation de sécurité de l’employeur et les principes généraux de prévention, sur lesquels repose l’organisation du travail et notamment le télétravail, n’est pas pénalement répréhensible.

L’Inspection du travail peut mettre l’employeur en demeure de prendre « toutes les mesures utiles » pour remédier à la situation dans un certain délai mais ne peut contenir de prescription lui enjoignant de recourir à une méthode particulière ou de privilégier telle mesure en particulier.

Il appartient à l’employeur de décider les moyens à mettre en œuvre, quels qu’ils soient, pour faire cesser la situation.

L’employeur doit mettre fin à la situation dangereuse mais conserve donc une certaine latitude quant à l’appréciation des moyens.

Benjamin Louzier
Avocat Associé