Cette proposition de loi avait été déposée à l’Assemblée nationale le 19 février 2018 pour transposer la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées. Le Sénat l’examinera le 21 juin 2018.
La Commission mixte paritaire a revu la proposition le 24 mai 2018.
Le livre Ier du code de commerce serait complété par un titre V « De la protection du secret des affaires ».
Selon le nouvel article L. 151-1 du code de commerce, le secret des affaires couvre toute information qui n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité, qui revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret et fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.
L’obtention d’un secret des affaires serait, selon la proposition de loi, illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime
Formule intéressante du texte : « la production, l’offre ou la mise sur le marché, de même que l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de tout produit résultant de manière significative d’une atteinte au secret des affaires sont également considérés comme une utilisation illicite lorsque la personne qui exerce ces activités savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret était utilisé de façon illicite au sens du premier alinéa du présent article. » C’est un moyen de lutte contre l’espionnage industriel donc.
En revanche, le secret des affaires ne serait pas opposable aux autorités ou administration de contrôle.
Le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue « pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte défini à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », sous réserve que cette révélation intervienne « à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires. »
Toujours à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants.
Celui qui porte atteinte au secret des affaires engagera sa responsabilité civile, outre les mesures conservatoires visant à la cessation d’une atteinte à un secret des affaires (interdiction de la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires, de la production, offre, mise sur le marché ou d’utilisation des produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires ou l’importation, l’exportation ou le stockage de tels produits à ces fins, destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires concerné ou dont il peut être déduit ou, selon le cas, ordonner leur remise totale ou partielle au demandeur), aux frais de l’auteur de l’atteinte en principe.
Comment réparer le préjudice subi ? Le futur article L. 152-3. du code de commerce en donne les critères :
« 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;
2° Le préjudice moral causé à la partie lésée ;
3° Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte ; »
Ou une somme forfaitaire
Néanmoins, il convient de faire usage avec mesure du fondement lié au secret d’affaires car s’il s’agit de moyens dilatoire ou abusive, il peut être requis une amende civile de 20 % maximum du montant de la demande de dommages et intérêts, ou en l’absence d’une telle demande, 60 000 euros maximum.
Dernière innovation, dans le cadre des mesures d’instruction sollicitée avant tout procès au fond (Article 145 CPC) ou à l’occasion d’une instance au fond, le juge peut notamment, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection d’un secret des affaires ne peut être assurée autrement :
« 1° Prendre connaissance seul de cette pièce afin de décider, s’il l’estime nécessaire, de limiter sa communication ou sa production à certains de ses éléments ou d’en restreindre l’accès ;
2° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ».
Frédéric Fournier
Avocat Associé