Dans un avis contentieux du 25 mai 2018 (CE, Avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, req. n°417350), le Conseil d’Etat a précisé que lorsque le juge administratif annule un refus d’autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration préalable), il peut ordonner à la personne publique de délivrer l’autorisation d’urbanisme au pétitionnaire.
Auparavant, il était de jurisprudence constante, qu’après avoir annulé un refus d’autorisation d’urbanisme, le juge ne pouvait enjoindre la personne publique qu’à procéder à une nouvelle instruction de la demande d’autorisation. Il rejetait ce faisant les conclusions d’injonction tendant à délivrer directement l’autorisation.
Dans ce contexte, il n’était pas rare qu’à la suite d’un jugement annulant le refus d’une personne publique de délivrer une autorisation d’urbanisme et l’enjoignant de ré-instruire la demande, la personne publique oppose un nouveau refus fondé sur un ou des motif(s) nouveau(x).
La position du Conseil d’Etat marque ici un tournant important dans la continuité des évolutions récentes du droit de l’urbanisme, celle notamment issue de la loi Macron du 6 août 2015 modifiant l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme obligeant la personne publique à mentionner dans sa décision de refus d’une autorisation d’urbanisme l’intégralité des motifs de ce refus.
Aussi et lorsque le juge censure tous les motifs de refus d’une demande de permis de construire ou d’opposition à une déclaration préalable, il doit ordonner, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction et si rien n’y fait obstacle, la délivrance de l’autorisation sollicitée ou l’adoption d’une décision de non-opposition.
Il est intéressant de noter que le Conseil d’Etat relève, en se fondant sur les débats parlementaires que l’objectif poursuivi par la loi Macron précitée était « d’accélérer la mise en œuvre de projets conformes aux règles d’urbanisme applicables ».
Et de fait, la pratique des refus successifs des demandes de permis de construire par les collectivités publiques remette clairement en cause l’objectif d’accélération des constructions, notamment de logements, souhaité par l’Etat.
Ce faisant, l’intention du législateur, éclairé par l’avis du Conseil d’Etat, est bien d’empêcher les refus dilatoires des collectivités publiques en obligeant ces dernières :
- d’une part à opposer, à l’appui de sa décision de refus et le cas échéant en cours d’instance, tous les motifs susceptibles de fonder son refus d’autorisation ;
- d’autre part à délivrer sans nouvelle instruction la demande de permis de construire ou de non opposition à travaux en cas d’annulation de son refus d’autorisation par le juge administratif.
On pourrait penser que la loi ELAN (Evolution du logement et d’aménagement numérique) poursuivra ce mouvement visant à limiter certains comportements dilatoires des collectivités publiques dans la délivrance des autorisations d’urbanisme.
Rien n’est moins sûr. Si l’objectif du projet de loi ELAN est clairement de simplifier les normes d’urbanisme et de faciliter l’acte de construire, il n’ajoute pas de dispositif législatif marquant sur l’encadrement de l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme par les personnes publiques.
Ombeline Soulier-Dugénie
Avocate Associée