Dans une arrêt du 20 février 2018 (CAA Versailles 20 février 2018 – n°17VE03486), la Cour d’appel de Versailles juge que le projet de licenciement collectif (PSE), intervenu quatre mois après une fusion-absorption n’est pas une fraude à l’application de l’article L.1224-1 du Code du travail.
De plus en plus de syndicat invoquent l’argument de la fraude lorsque qu’une entreprise décide d’un PSE juste après une opération de fusion-absorption, particulièrement lorsque ce sont les salariés transférés qui sont visés.
- Les faits :
Par une opération de fusion-absorption une société a repris 99 contrats de travail par application de l’article L.1224-1 du Code du travail. Quatre mois après l’opération 26 de ces emplois ont fait l’objet d’un projet de licenciement économique par un PSE.
Pour les syndicats :
« l’employeur a frauduleusement entendu se soustraire aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ; le projet de licenciement collectif, intervenu quatre mois après le transfert de patrimoine de la société UTI vers la société DSV Air and Sea par suite d’une fusion-absorption réalisée le 1er octobre 2016, laquelle emporte automatiquement transfert des contrats de travail, vise en effet à faire échec à ces dispositions dès lors que les postes supprimés selon le projet de réorganisation concernent les postes d’anciens salariés d’UTI et que la société DSV Air and Sea a, grâce à l’acquisition d’UTI, presque doublé son chiffre d’affaires et accroît encore sa place sur le marché mondial… ».
- La décision:
La Cour d’appel a rejeté l’argument en jugeant :
« Considérant qu’alors que le plan de sauvegarde de l’emploi litigieux est justifié par un motif d’ordre économique de sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise dans un secteur très concurrentiel, que la société DSV Air et Sea France a repris les 99 contrats de travail des employés transférés après la fusion-absorption de la société UTI France et que seuls 26 de ces emplois sont susceptibles de faire l’objet d’un licenciement économique, les requérants n’établissent pas, en se fondant principalement sur la brièveté du délai qui s’est écoulé entre le transfert des contrats et le lancement de la procédure de mise en oeuvre d’un projet de réorganisation et de licenciements collectifs, que la société DSV Air et Sea France aurait mis en oeuvre ce projet aux seules fins de contourner la règle édictée à l’article L. 1224-1 du code du travail ».
Accueillir un tel moyen fondé sur la fraude aurait pu conduire le juge à apprécier les choix économiques faits par l’entreprise en s’interrogeant sur l’opportunité d’opérations telles que les fusions-acquisitions, ce qui est interdit car le juge ne peut pas apprécier les choix économiques de l’employeur.
Une autre décision avait déjà statuer en ce sens (CA Paris 14 avril 2016 n° 16PA00295).
Il est donc parfaitement possible de prévoir un licenciement pour motif économique très peu de temps après la fusion, même si cela concerne le personnel transféré. La brièveté du délai n’est pas déterminante.
Benjamin Louzier Avocat Associé