Contrat public : le référé contractuel n’est ouvert qu’au requérant qui a été réellement empêché de former un référé précontractuel

Contrat public : le référé contractuel n’est ouvert qu’au requérant qui a été réellement empêché de former un référé précontractuel

1- Dans un arrêt du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat a précisé les conditions, déjà très strictes, de recevabilité du référé contractuel, régi par les articles L.551-13 et suivants du Code de justice administrative (CE, 24 mai 2017, Concepts et Collectifs et autres, req. n° 407047, mentionné aux tables du recueil Lebon, en ligne sur Ariane Web).

Rappelons tout d’abord que ce référé permet de contester la passation de l’ensemble des contrats de la commande publique après leur signature (contrairement au référé précontractuel qui concerne le même type de contrats mais avant leur signature). 

Les pouvoirs de sanction du juge des référés contractuels étant beaucoup plus importants que ceux du juge des référés précontractuels en cas de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, ces conditions d’accès à ce référé post-signature sont beaucoup plus restreintes.

En effet, l’article L.551-14 CJA précise que ce recours n’est pas ouvert au candidat évincé ayant déjà exercé un référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a respecté les délais de suspension de la signature du contrat (le délai standstill compris entre la notification du rejet de l’offre et la signature du contrat ainsi que délai de suspension de signature induit pas la saisine du juge des référés) et s’est conformé à la décision juridictionnelle.

2- Ajoutons que le référé contractuel ne constitue pas une alternative aux opérateurs économiques ayant omis de saisir le juge des référés précontractuels avant la signature du contrat (CE, 19 janvier 2011, Grand port maritime du Havre, req. n°343435).

En effet, dans cette affaire, le Conseil d’Etat a déjà jugé que le référé contractuel n’est recevable que si les candidats ont été valablement empêchés de saisir le juge des référés précontractuel soit en raison :

  • d’un défaut d’information du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice n’ayant pas permis au candidat évincé de saisir le juge des référés précontractuels ;
  • du non-respect du délai

3- En l’espèce, le Conseil d’Etat va encore plus loin en déclarant irrecevable un référé contractuel introduit par un groupement d’entreprises évincé d’un marché à bon de commande, passé selon une procédure formalisée, portant sur la fourniture de véhicules utilitaires avec la Ville de Paris, alors même que cette dernière n’avait pas respecté le délai standstill.

Pour aboutir à cette solution, la Haute juridiction a procédé en deux temps :

  • d’une part, elle a vérifié que les sociétés évincées avaient bien été informées du délai de standstill de 11 jours avant la signature du contrat par la Ville de Paris ;
  • d’autre part, elle a relevé que les sociétés n’avaient pas été empêchées de saisir le juge des référés précontractuels.

En l’occurrence, le groupement d’entreprise évincé avait saisi le juge des référés précontractuels 3 jours après l’expiration du délai standstill de 11 jours que lui avait été indiqué par la Ville de Paris.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat considère que les sociétés n’ont pas été privées de la possibilité de saisir utilement le juge des référés précontractuels du fait du comportement du pouvoir adjudicateur et ne sont donc pas recevables à introduire un référé contractuel qu’importe le fait que la Ville de Paris ait signé le marché litigieux la veille de l’expiration du délai standstill.

En effet, le Conseil d’Etat retient que la circonstance que la Ville ait signé le contrat avant l’expiration du délai de standstill a été sans influence ni incidence sur le fait que les sociétés ont introduit leur recours après ce délai. Le Conseil d’Etat souligne sur ce point qu’il importe peu que les sociétés requérantes n’aient pas été informées de ce que le contrat avait été, entre temps, signé.

Le Conseil d’Etat annule donc l’ordonnance du tribunal administratif de Paris qui avait rejeté les demandes du groupement mais infligé à la Ville de Paris une sanction financière de 10.000 euros à verser au Trésor public.

4- Si cet arrêt rappelle évidemment l’importance pour les acheteurs publics de respecter les obligations et formalités applicables lors de la conclusion des contrats publics, il conduit surtout les opérateurs économiques à étudier et adapter très précisément leurs actions et stratégies contentieuses en la matière afin de combiner, intelligemment et utilement, leurs référés précontractuels et contractuels en conséquence..

Emmanuelle Yvon
Avocate à la Cour

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