Négociation commerciale: sanction de l’absence de négociabilité d’un contrat type et appréciation in abstracto du déséquilibre significatif.
Par un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour d’appel de Paris s’est une nouvelle fois prononcée sur les suites des assignations dites « Novelli » lancées par le ministre de l’économie pour voir sanctionner les pratiques contractuelles de certains acteurs majeurs de la grande distribution.
Par cet arrêt, la Cour d’appel confirme le jugement du Tribunal de commerce de Meaux du 6 décembre 2011, qui avait condamné Provera France, centrale d’achat de l’enseigne Cora, au paiement d’une amende civile de 250 000 euros sur le fondement de l’article L442-6 ,III, alinéa 2 du Code de Commerce.
* Sur l’absence de négociabilité du contrat type de la centrale d’achat
Au contraire des juges consulaires, la Cour d’appel ne considère pas que l’usage du contrat-type soit condamnable per se mais sanctionne l’absence de négociabilité de ses termes. La Cour relève ainsi que si « la négociation est possible, elle n’est pas effective » Provera ne répondant jamais aux réserves faites, de sorte que le contrat était exécuté sans acceptation et mise en oeuvre de ces réserves et constituait « de véritables contrats d’adhésion ».
* Sur la preuve du déséquilibre significatif
La Cour d’appel considère que l’abus peut être caractérisé in abstracto sans qu’il soit nécessaire de justifier de ses effets dès lors que les pratiques sont contraires à l’ordre public en raison de leurs atteintes à « l’économie par l’élimination des partenaires commerciaux ».
La Cour d’appel sanctionne sur le fondement du déséquilibre significatif les clauses litigieuses suivantes :
– La clause permettant la résiliation pour « non performance » au bout de 8 jours après l’envoi d’une lettre recommandée sans que la preuve de la réception par le destinataire soit donnée et surtout sans donner la possibilité de corriger le manquement reproché avant la résiliation quasi-immédiate du contrat ainsi que la non réciprocité de mise en jeu de la clause constitue un déséquilibre de celle-ci.
– La clause concernant les modalités et délais de paiement des prestations de services étaient fixés de manière intangibles à 30 jours alors que les délais de paiement accordés à la centrale d’achat pour s’acquitter des factures des fournisseurs étaient négociables et souvent fixés à plus de 30 jours. De plus, la Cour relève que les factures de fournisseurs devaient être payées au fur et à mesure sous 30 jours alors que les factures de Provera France étaient facturées sous 45 jours et qu’il existait un système d’acomptes mensuels au profit de Provera qui avait pour conséquence d’entrainer « mécaniquement la création d’un solde commercial à la charge de la plupart des fournisseurs sans qu’il y ait lieu de se livrer à des études pour rechercher l’impact réel sur la trésorerie des parties».
Guillaume Gouachon
Avocat à la Cour