Urbanisme : la faute commise par le maire lors de l’interruption des travaux est réparable … si le constructeur est diligent
1. Pour faire échec à certaines opérations de construction, il arrive que des Villes retirent illégalement le permis de construire antérieurement délivré alors que les travaux d’exécution sont en cours et qu’elles doublent ce retrait d’un arrêté interruptif de travaux.
Malheureusement plus fréquent qu’on pourrait le penser, ce comportement met les propriétaires et/ou les constructeurs, dans des situations parfois catastrophiques, voire irréversibles. Pour y faire face, ils sont obligés de mener un véritable « parcours juridique du combattant », en référé et au fond. Heureusement, ce parcours est susceptible d’aboutir d’autant plus favorablement que la personne publique a été de mauvaise foi, avec indemnisation à la clé.
2. Le Conseil d’Etat a confirmé dans une décision récente (CE, 24 septembre 2012, M. B., req. n° 342236) que les dommages, qui résultent de l’illégalité du retrait du permis de construire et de l’interruption des travaux, sont indemnisables.
Dans cette affaire, la Ville avait retiré illégalement le permis de construire – car au-delà du délai légal de retrait autorisé. Elle avait ensuite et sur la base de ce retrait pris un arrêté interrompant les travaux. Cet arrêté interruptif était donc lui-même illégal.
Les travaux ont été interrompus en cours de construction et alors que le bâtiment n’était pas hors d’eau : ce dernier a donc subi des dommages en raison des intempéries qui ont alors eu lieu.
3. Le propriétaire a, après une expertise, obtenu la condamnation de la Ville à l’indemniser des dommages résultant desdites intempéries et consécutives à l’interruption illégale des travaux ordonnée par le maire.
Le Conseil d’Etat valide la condamnation qui avait été confirmée en appel, mais précise cependant que la faute de la Ville peut être atténuée par le fait que le propriétaire n’avait pas protégé son bâtiment contre les effets des intempéries.
4. Cette décision ne peut qu’inciter les propriétaires et constructeurs à veiller à prendre les bonnes mesures temporaires lorsqu’ils font face à une telle situation afin de protéger complètement leurs intérêts.
Ils doivent ainsi, parallèlement aux actions judiciaires visant à contester le retrait irrégulier du permis et l’interruption illégale des travaux, mettre en place des mesures transitoires pour protéger le bien en cours de construction.
Ils doivent cependant être particulièrement vigilants sur ces mesures temporaires. En effet, il résulte en creux de la décision du Conseil d’Etat du 24 septembre 2012 que les propriétaires et constructeurs doivent s’assurer que ces mesures sont réalisables en droit et en fait.
C’est-à-dire qu’ils doivent s’assurer que les mesures temporaires ne requièrent pas une nouvelle autorisation d’urbanisme ou qu’elles ne sont pas contraires à l’arrêté interruptif de travaux. Ils doivent également s’assurer que ces mesures temporaires sont suffisantes pour préserver la construction en cours et qu’elles seront admises comme telles par le juge au moment de faire les comptes …
Alexandre Le Mière
Avocat associé