Comment l’entreprise illégalement évincée d’un marché public peut-elle se faire indemniser ?
L’entreprise qui est illégalement évincée de la conclusion d’un contrat administratif (marché public, délégation de service public, partenariat public privé, concession d’aménagement, convention d’occupation du domaine public) a la possibilité de demander réparation auprès de la personne publique responsable.
1. En effet, depuis 2007, l’entreprise qui a été illégalement privée de conclure un contrat avec une collectivité publique peut saisir le juge administratif afin de lui demander d’abord d’obtenir la résiliation ou l’annulation du dit contrat et ensuite d’obtenir une indemnisation du préjudice qu’elle a subi (CE, Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545).
La mise en oeuvre de cette nouvelle possibilité d’engager la responsabilité des collectivités publiques, qui posait des questions croissantes ces dernières années, vient de faire l’objet de précisions très importantes de la part du Conseil d’Etat dans un avis rendu le 11 mai 2011 (Avis CE, 11 mai 2011, Société Rebillon Schmit Prévot, n° 347002).
2. Ainsi, la demande de réparation du préjudice subi à raison de l’illégalité de la conclusion du contrat dont l’entreprise a été évincée peut être faite :
– soit en formulant la demande de réparation dans le cadre du recours engagé tendant à l’annulation ou la résiliation du contrat ;
– soit en la formulant dans une requête distincte faisant l’objet d’un contentieux séparé et donc d’une procédure différente.
L’entreprise dispose ainsi d’une alternative lui permettant d’affiner ses stratégies (il peut être décidé d’engager une procédure unique pour des raisons, notamment, de rationalité économique du coût contentieux ; ou bien d’engager une première procédure pour obtenir une décision sur la reconnaissance d’illégalité puis, en fonction du résultant, une seconde procédure en réparation ; le choix entre les deux formules peut également être commandé, au regard des faits de l’espèce, par la perspective de mettre en place un processus de négociation amiable).
3. Quelle que soit la formule choisie, l’entreprise n’est pas enfermée, pour faire sa demande indemnitaire, dans la même contrainte de délai que celle s’imposant pour demander l’annulation ou la résiliation du contrat litigieux.
Car, en effet, l’action en résiliation ou annulation du contrat que l’entreprise n’a pas remporté aux termes de la procédure d’appel d’offres illégale doit être engagée dans le délai de deux mois suivant la publicité de la signature du dit contrat.
4. Cependant, l’entreprise reste obligée, dans les deux formules disponibles, de respecter le principe de la demande indemnitaire préalable (sauf en matière de travaux publics).
C’est-à-dire qu’elle doit solliciter la collectivité publique débitrice d’une demande préalable chiffrée (suivant les délais de droit commun) : ce n’est qu’en cas de rejet de cette demande que le juge pourra être valablement saisi d’une demande de condamnation à réparer le préjudice subi.
Il s’ensuit que lorsque l’entreprise illégalement évincée souhaite engager une procédure contentieuse unique, elle doit parallèlement ou concomitamment (suivant les règles de droit commun du contentieux administratif) former une demande indemnitaire préalable lui permettant de lier le contentieux en cas de rejet et ainsi s’assurer que le juge sera valablement saisi de tous les questions en jeux.
Le Conseil d’Etat vient ainsi d’apporter de précieuses précisions aux acteurs de la commande publique et des contrats publics pour le règlement financier des litiges contractuels.
Alexandre Le Mière
Avocat associé