Google blanchie par la justice pour sa fonction « Google Suggest »
Encore une victoire pour Google, qui était cette fois poursuivie par le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP). Le syndicat se plaignait de la fonction « Google Suggest » du moteur de recherche, suggérant aux internautes des mots-clés parmi les plus fréquemment utilisés et notamment des mots-clés renvoyant vers des sites de téléchargement illicite.
Concrètement, lorsqu’un internaute souhaitait faire une recherche sur le nom d’un artiste, le moteur de Google lui proposait fréquemment les termes « rapidshare », « megaupload » ou « torrent » associés au nom de l’artiste, comme cela avait été constaté par un huissier. Or ces termes correspondent au nom de sites Internet ou de protocoles célèbres permettant de télécharger illégalement des oeuvres protégées et ne comportant pas eux-mêmes des moteurs de recherche.
Le moteur de recherches de Google était donc fréquemment utilisé par les apprentis pirates pour se procurer des oeuvres contrefaites en téléchargement gratuit.
Le SNEP considérait que Google participait à la commission d’actes de contrefaçon et avait donc assigné en référé le géant de Mountain View sur le fondement de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui permet au juge d’ordonner des « mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte au droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».
En première instance, le Président du Tribunal de grande instance de Paris avait débouté le SNEP de ses demandes, en considérant que le syndicat ne rapportait pas la preuve d’une atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin. Le SNEP avait donc interjeté appel.
Entre-temps, Google avait apporté une modification à sa fonction « Google Suggest », puisqu’elle avait décidé (unilatéralement) de supprimer les suggestions comporant les termes litigieux.
Pour autant, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé par un arrêt du 3 mai 2011, qui fait droit à l’argumentation de Google en retenant que les conditions d’application de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle n’étaient pas réunies.
Selon l’arrêt, « le texte suppose la présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionné par le contenu d’un service de communication en ligne ». Or Google elle-même ne commet pas une telle atteinte, puisque son moteur se contentait (avant la modification apportée) de suggérer automatiquement les recherches les plus fréquentes.
La Cour a considéré que « la suggestion de ces sites ne constitue pas en elle-même une atteinte au droit d’auteur » et que cela ne pouvait être le cas que si « l’internaute se rend sur le site suggéré et télécharge un phonogramme protégé et figurant en fichier sur ces sites », étant précisé que Google elle-même ne pouvait pas être considérée comme responsable de ces actes de téléchargement.
En outre, selon les juges, la modification de la fonction apportée par Google ne constituerait pas une reconnaissance de l’argumentation du SNEP.
Il aurait toutefois été possible de considérer que les termes généraux de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, qui visent les « mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte au droit d’auteur ou un droit voisin » aurait pu permettre au SNEP d’obtenir gain de cause, puisque le filtrage des suggestions permet bien, dans une certaine mesure, de prévenir une atteinte au droit d’auteur (même s’il est exact qu’il ne permet pas de la faire cesser). Cette solution aurait pu s’imposer puisque le texte s’applique à « toute personne susceptible de contribuer à […] remédier » à une telle atteinte. Or Google paraît bien faire partie de ces personnes qui, de près ou de loin, jouent un rôle dans le téléchargement illicite, fût-ce de manière involontaire…
En tout état de cause, cette défaite du SNEP n’aura guère d’incidences en pratique, puisque, comme indiqué ci-dessus, Google ne propose plus les termes « megaupload », « rapidshare » ni « torrent » : il faudra vérifier si le téléchargement « pirate » s’en trouve affecté.
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour