Google Video : la Cour d’appel de Paris confirme la responsabilité de Google
Le 20 février 2008, le Tribunal de commerce de Paris (à l’époque encore compétent en matière de propriété intellectuelle) avait condamné Google pour contrefaçon au titre de la diffusion sur son site Google Video du documentaire « Le Monde selon Bush » produit par la société Flach Film et édité par la société Editions Montparnasse.
Le Tribunal avait en effet considéré que Google, tout en pouvant bénéficier du statut de prestataire d’hébergement, devait être tenue responsable des multiples envois de ce documentaire par les internautes sur sa plateforme de vidéos en ligne.
Google a interjeté appel de ce jugement et la Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 9 avril 2010, s’est à nouveau prononcée sur les faits de l’affaire.
Schématiquement, la Cour a confirmé le jugement de première instance en considérant que Google était bien hébergeur au sens de l’article 6.I.2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (« LCEN »), mais qu’elle ne pouvait plus revendiquer l’application du régime de responsabilité allégée énoncé par ce texte dès lors qu’elle n’avait pas mis en oeuvre « tous les moyens techniques, dont elle ne conteste pas disposer, en vue de rendre l’accès à ce contenu impossible ».
La Cour précise utilement qu’il ne s’agit pas de mettre à la charge de Google une obligation générale de surveillance de son site Internet (dont on sait que les prestataires d’hébergement n’y sont pas soumis) car « il n’est pas demandé [à Google] d’exercer un contrôle préalable des vidéos librement mises en ligne par les utilisateurs du service GOOGLE Video » : les magistrats reprochent uniquement à Google « d’avoir omis d’agir promptement après avoir eu connaissance du caractère attentatoire aux droits des sociétés FLACH FILMS et EDITIONS MONTPARNASSE ».
En l’occurrence, Google avait en effet mis deux semaines pour supprimer le fichier, sachant qu’il a été démontré par les parties que le documentaire était encore en ligne au jour de l’audience.
Un point important de l’arrêt consiste dans le fait que, selon la Cour, chaque remise en ligne de la vidéo par un utilisateur ne doit pas être analysée comme un fait nouveau exigeant une nouvelle notification dans les formes de l’article 6.I.5 de la LCEN.
Un autre point important, et peut-être le plus essentiel, concerne la responsabilité de Google non au titre de plateforme d’hébergement des vidéos mais de moteur de recherche de vidéo. Le site Google Video permet en effet d’effectuer une recherche sur les vidéos présentes sur d’autres sites Internet (comme YouTube et DailyMotion), tout en permettant de les visualiser directement dans les résultats de recherche.
Pour la Cour d’appel de Paris, ceci ne consiste pas dans une prestation d’hébergement mais constitue « une fonction active, qui, s’ajoutant aux liens hypertextes, permet [à Google] de s’accaparer le contenu stocké sur des sites tiers afin d’en effectuer la représentation directe sur ses pages à l’intention de ses propres clients, distincts de ceux des sites tiers ».
A cet égard, la Cour a considéré que Google avait commis une faute au sens du droit commun (c’est-à-dire sans pouvoir bénéficier du régime de responsabilité des hébergeurs) : « en assurant elle-même sur son site Google Video la représentation de la vidéo reproduisant le film documentaire ‘Le Monde selon Bush’, sans l’autorisation préalable des sociétés FLACH FILMS et EDITIONS MONTPARNASSE, la société GOOGLE Inc. porte atteinte aux droits dont ces dernières sont titulaires sur l’oeuvre précitée en vertu des articles L. 132-24 et L. 215-1 du Code de la propriété intellectuelle ».
En revanche, les magistrats ont confirmé le jugement en ce qu’il avait débouté les demandeurs de leurs prétentions s’agissant d’actes de parasitisme.
Google a été condamnée à payer 120.000 euros à chacune des demanderesses (quand le Tribunal avait accordé 150.000 euros en tout).
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle