Eclairage de la CJCE: contrefaçon de marque par un licencié
Par un arrêt du 23 avril dernier, la CJCE a apporté son éclairage sur la notion de contrefaçon de marque par un licencié.
L’article L. 714.1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle constitue la transposition de l’article 8.2 de la Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992. Il permet à un titulaire de marque de caractériser les actes de contrefaçon commis par un licencié « enfreint une des limites de sa licence en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié ».
La société Christian Dior Couture a conclu un contrat de licence de marque avec la société SIL pour la fabrication et la distribution de produits de corseterie sous la marque Christian Dior. En violation du contrat et de l’interdiction formelle de Dior, SIL a vendu des articles revêtus de la marque DIOR à un soldeur, la société COPAD.
Le Tribunal de Grande Instance de Bobigny comme la Cour d’Appel de Paris ont considéré que cette vente hors réseau de distribution sélective ne rentrait pas dans le champ de l’article L. 714-1 susvisé et constituait, non une contrefaçon de marque, mais un acte de concurrence déloyale.
La Cour de cassation a alors posé à la CJCE une question préjudicielle pour savoir si une clause d’un contrat de licence interdisant au licencié, pour des raisons de prestige de la marque, de vendre à des soldeurs des produits revêtus de la marque ayant fait l’objet de ce contrat, relève de l’article 8 paragraphe 2 de la directive.
Après avoir déclaré que la liste de cet article est limitative, la CJCE a précisé que « la qualité de produits de prestige, tels que ceux en cause au principal, résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe ». Dès lors, une atteinte à ladite sensation de luxe est susceptible d’affecter la qualité même de ces produits, et donc de constituer un acte de contrefaçon au sens de l’article 8 paragraphe 2 de la directive.
En conséquence, le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l’encontre d’un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits, pour autant qu’il soit établi que cette violation, en raison des circonstances propres à l’affaire au principal, porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe.
Cette décision a son importance, notamment quant à son incidence sur l’épuisement du droit de marque; la contrefaçon étant caractérisée, la preuve du consentement du titulaire à la mise dans le commerce ne peut être rapportée.
Emmanuelle BEHR