L’appréciation du caractère « établi » de la relation commerciale à l’épreuve de la jurisprudence récente
En vertu de l’article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, constitue une faute engageant la responsabilité civile de son auteur le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation.
Lorsque la faute est avérée, l’auteur de la rupture est condamné au paiement de dommages et intérêts correspondant à la marge commerciale que son cocontractant aurait réalisée pendant la durée du préavis qui aurait du être appliqué.
Encore faut-il que la relation commerciale soit « établie », notion extrêmement large qui recouvre différente forme de relations d’affaire, formalisée ou non, à durée déterminée ou indéterminée. Les tribunaux analysent donc au cas par cas la relation commerciale et se penche sur sa durée, sa stabilité et son intensité.
Dès lors que les parties sont placées dans une perspective de précarité certaine qui ne permet pas de penser qu’elles avaient un avenir, la relation commerciale ne peut être considérée comme établie. Il en va ainsi lorsque le cocontractant a eu systématiquement recours à une mise en compétition avec des concurrents avant la commande de chacune des missions (CA Versailles 24 mars 2005, CCC 2005, comm. 13).
C’est ce que vient de confirmer la Cour d’Appel de Versailles dans un arrêt du 18 septembre 2008 (aff n°077891). La Cour a exclu l’existence de relations commerciales établies entre Monoprix et ESGII spécialisée dans les prestations d’électricité, car les commandes passées avaient été précédées d’appels d’offres, procédure qui comporte par essence un aléa pour celui qui s’y soumet.
En conséquence une procédure d’appel d’offres fait obstacle à la qualification de relations commerciales établies.
La Cour de cassation s’est également penchée récemment sur la qualification de relations commerciales établies qui selon elle est exclue lorsqu’il existe une juxtaposition de contrats indépendants de sous-traitance dépendant de l’ouverture de chantiers obtenus par le donneur d’ordre. Le sous-traitant n’avait pas de chiffre d’affaires garanti ni d’exclusivité et n’avait pas signé d’accord cadre. Autant de critères à partir desquels la Haute Juridiction a déduit l’absence dune relation commerciale établie entre les sociétés (Cass. Com. 16 décembre 2008, n°07-15.589).
Emmanuelle Behr