Distribution sélective et vente sur Internet : le Conseil de la concurrence sévit

Distribution sélective et vente sur Internet : le Conseil de la concurrence sévit

En 2006, le Conseil de la Concurrence s’était auto-saisi pour étudier la conformité aux règles de concurrence des conditions dans lesquelles une dizaine de sociétés de produits cosmétiques procédaient à la vente de leurs produits via Internet.

Ces sociétés ont toutes mis en place un système de distribution sélective par lequel des distributeurs agréés sont autorisés à vendre les produits dès lors qu’ils remplissent des critères objectifs permettant d’assurer la qualité du point de vente et le niveau de qualification du personnel.

Les sociétés (Bioderma, Caudalie, Cosmétiques Active France, Expanscience, Johnson & Johnson Consumer France, Lierac, Nuxe, Oenobiol, Rogé Cavailles et Uriage) interdisaient à leurs revendeurs de vendre sur Internet ou leur imposaient des conditions très restrictives. Elles avaient été contraintes par le Conseil de la Concurrence de présenter des engagements destinés à introduire davantage de concurrence dans la vente en ligne de leurs produits (décision 07-D-07 du 8 mars 2007).

La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique avait refusé de prendre des engagements destinés à autoriser ses distributeurs à vendre en ligne de ses produits Klorane, Avène, Ducray et Galénic. Pierre Fabre Dermo-cosmétique continuait à soutenir (i) que l’interdiction de vendre ses produits en ligne ne constitue pas une restriction de concurrence caractérisée notamment du fait du maillage exceptionnel et homogène constitué par les points de vente physiques des distributeurs dans toute la France (23.000) qui permet aux consommateurs de mettre en concurrence les revendeurs et (ii) bénéficier d’une exemption individuelle dès lors que cette interdiction contribue à améliorer la distribution des produits dermo-cosmétiques en prévenant les risques de contrefaçon et de parasitisme entre officine agrées et qu’elle garantit au consommateur un bien-être par la présence physique d’un pharmacien lors de la délivrance du produit.

Par une décision du 29 octobre 2008, le Conseil de la Concurrence réfute l’ensemble de ces arguments et estime que l’interdiction faite aux distributeurs agréés du réseau Pierre Fabre DC est contraire aux règles de la concurrence (article L. 420-1 du Code de commerce et article 81 du Traité instituant la Communauté européenne) dès lors qu’elle les prive de la faculté de prospecter des clients par l’envoi de messages ou de satisfaire à des demandes non sollicitées adressées sur leur site. Cette pratique équivaut donc à une limitation des ventes actives et passives des distributeurs. Le Conseil estime en outre que l’organisation sélective de la distribution en réseaux spécialisés suffit à garantir le respect de la qualité des produits et que les critères de sélection définis par Pierre Fabre et destinés à mettre en valeur ses produits peuvent être adaptés aux sites Internet.

En conséquence, le Conseil de la concurrence a enjoint la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique (i) de supprimer dans ses contrats de distribution sélective toutes les mentions équivalant à une interdiction de vente sur Internet et (ii) de prévoir la possibilité pour les distributeurs de recourir à ce mode de distribution, et ce dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.

Emmanuelle Behr
Avocat à la Cour

 

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