Dans une décision très récente (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.340 FP-BR, Sté Transdev c/ Z Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.638 FP-BR, B. c/ Sté Transports Daniel Meyer)la Cour de cassation opère un revirement qui va couter cher aux entreprises.
Se conformant à la réglementation européenne, la Cour de cassation juge désormais que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle et pour accident du travail au-delà d’un an.
Jusqu’à cette décision, le Code du travail (article L.3141-3) ne prenait pas en compte, pour le calcul des congés payés, ni les périodes d’absence pour maladie non professionnelle ni celles pour maladie ou accident d’origine professionnelle au-delà d’un an.
Par cette décision, la Cour écarte l’application des dispositions de l’article L 3141-3 du Code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et juge que ce salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période.
Quelles conséquences pour les entreprises ?
S’agissant de la période d’acquisition en cours, le revirement de jurisprudence conduit à tenir compte des absences pour maladie pour calculer le nombre de jours de congés payés en cours d’acquisition.
L’étendue de cette décision ?
Cette solution vaut pour les droits à congés légaux, y compris la cinquième semaine de congé, ainsi que pour les droits d’origine conventionnelle. De cette façon, les salariés absents pour maladie (d’origine professionnelle ou non) acquièrent des droits à congé d’une durée identique à celle des salariés présents dans l’entreprise et exécutant un travail effectif.
En outre, si la Cour de cassation laissera désormais inappliquées, dans les litiges dans lesquels elle sera saisie, les dispositions du Code du travail empêchant ou limitant l’acquisition de congés payés pendant les périodes d’arrêt de travail pour maladie (professionnelle ou non), la rédaction des dispositions concernées du Code du travail demeure inchangée. Il appartient au législateur de les modifier pour garantir la cohérence des textes et de la jurisprudence. Dans cette attente, les employeurs qui continueraient à appliquer strictement les dispositions légales en matière d’arrêt de travail et de congés s’exposent à des contentieux judiciaires.
La décision est elle rétroactive ?
En principe oui, comme toute jurisprudence.
Les employeurs pourraient avoir à payer des congés payés rétroactivement pour des périodes pendant lesquelles les salariés étaient en arrêt maladie. Cela pourrait augmenter considérablement les coûts salariaux pour certaines entreprises dont l’effectif est important.
Ceci étant les juges ont la possibilité de limiter dans le temps la prise d’effet de leur décision que pour l’avenir par exemple. Des précisions de la Cour de cassation ou du Ministère sont indispensables.
Que faut il faire dans l’immédiat ?
– Modifier le paramétrage de la paie
– décider ou non de créditer les compteurs de congés sur les trois dernières années pour les salariés en poste et qui ont été malades.
– envisager une négociation avec les salariés en interne (et avec les syndicats et le CSE).
– envisager la prise de provisions dans les comptes en tenant compte de la prescription.
– anticiper la communication en interne sur le sujet.
– s’attendre à cette nouvelle demande dans les contentieux en cours.
Par Benjamin LOUZIER