Les photographes de plateau peuvent bien être auteurs à part entière
Par un arrêt du 16 février 2011, la Cour d’appel de Paris est venue rappeler qu’un photographe de plateau salarié peut bénéficier de la qualité d’auteur des clichés qu’il réalise sur le tournage d’un film.
Que cette qualité d’auteur soit retenue nonobstant l’existence d’un contrat de travail, ceci n’a rien de surprenant compte tenu des dispositions de l’article L. 111-1 al. 2 du Code de la propriété intellectuelle (« L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code »).
En revanche, il a pu naître une controverse entre les juges du fond à propos de l’originalité des photographies de plateau. Certaines décisions ont en effet considéré que la prestation du photographe ne pouvait pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur compte tenu de son caractère purement technique (v. par ex. CA. Paris, 4e ch., 18 déc. 1985, selon laquelle le photographe de plateau n’est pas un créateur mais un opérateur, un exécutant qui n’a le choix ni du lieu, ni du moment où la photographie doit être prise, pas plus que de l’élaboration du cadre ou de la composition, voire de la position des personnages, des éclairages qui sont réalisés soit par les auteurs de l’oeuvre cinématographique, soit par d’autres techniciens ; CA Paris, 15 octobre 2003).
D’autres décisions, en revanche, ont considéré que dès lors qu’il était possible de démontrer l’originalité de l’oeuvre, alors la protection par le droit d’auteur était ouverte (v. par ex. CA Paris, 20 février 2008).
Cette décision du 16 février 2011 est intéressante car elle fournit une liste d’indices permettant de déterminer si les clichés dont la protection est demandée sont ou non originaux : « il ressort de l’examen des photographies litigieuses et des autres documents du débat auquel a procédé la cour que le tribunal a lui-même exactement apprécié le caractère de création individualisée de certaines d’entre elles, soit qu’elles révèlent des attitudes ou positions de personnages distinctes de celles des scènes du film dont elles s’inspirent, soit qu’elles ne correspondent à aucune scène, soit encore qu’elle s’en distinguent par les éclairages, les angles, le cadrage ou la profondeur de champ ».
Il est à noter par ailleurs que cette décision est fondée sur la convention collective nationale conclue le 30 avril 1950 entre le syndicat français des producteurs de films et le syndicat des techniciens de la production cinématographique. Selon ce texte, le photographe de plateau est seul responsable des qualités artistiques et techniques de ses photographies et que le fait que les photographies soient prises sur le lieu du tournage et à l’occasion de celui-ci, même si certains éléments essentiels comme le décor, les objets, les costumes et le maquillage sont préconstitués pour les besoins du film lui-même, n’est pas de nature à priver, par principe, le photographe de sa liberté artistique.
Or ce texte a été dénoncé par le Syndicat des producteurs de films par une lettre du 23 mars 2007. Ce texte n’est donc plus en vigueur aujourd’hui, mais l’était au moment où les photographies ont été prises. Cela étant, la solution s’impose malgré tout à l’heure actuelle compte tenu de la généralité de la motivation de la Cour.
En l’espèce, le producteur du film ne pouvait donc valablement proposer en bonus de l’édition DVD des clichés réalisés par le photographe de plateau sans mentionner son nom ni sans solliciter son autorisation préalable.
Matthieu Berguig
Avocat à la Cour