Le 28 mars 2022, le Tribunal de Commerce de Paris (RG n°2018017655) s’est prononcé sur l’application de l’ancien article L422-6 I 2° du code de commerce, suite à l’action menée par le Ministre de l’Économie d’une action fondée sur l’article L. 442-6 I 2° (ancien) du code de commerce.
Parmi d’autres arguments de fin de non-recevoir maintenant vains, un moyen développé par Google a été balayé d’un revers de main par les premiers juges.
Google invoquait en effet le Règlement (UE) 2019/1150 du 20 juin 2019 entré en vigueur le 12 juillet 2020. Le règlement a été adopté en droit français par la Loi DADDUE 2020 et notamment, le complément apporté à l’article L442-1 du code de commerce :
« III. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne proposant un service d’intermédiation en ligne au sens du règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, de ne pas respecter les obligations expressément prévues par le même règlement. »
Le spécifique l’emporte normalement sur le général. L’article issu d’un Règlement est de plus d’application immédiate par l’effet direct de ce type de texte.
Cependant, le tribunal rejette l’argument du fait que le litige est entré en vigueur postérieurement au litige. Par un raisonnement par similitude, le tribunal explique, sans mention du déséquilibre significatif : « ce Règlement, qui a pour objectif de créer certaines règles de transparence, de bonne conduite et de loyauté dans le secteur des services d’intermédiation en ligne et des moteurs de recherche en ligne, s’applique sans préjudice des règles nationales qui, conformément au droit de l’Union, interdisent ou sanctionnent les comportements unilatéraux ou les pratiques commerciales déloyales, dans la mesure où les aspects pertinents dans ces matières ne sont pas régis par ce Règlement.
Constatant l’existence de contrats d’adhésion, l’absence de toute négociation répond à la condition de soumission à un déséquilibre significatif éventuel.
Le tribunal va retenir ce caractère pour les clauses imposant aux développeurs d’applications de fixer les tarifs de leurs applications au sein d’une fourchette de prix définie par Google avec une commission de 30 % sur chaque vente réalisée sur le Store.
La clause de faculté de modification unilatérale du contrat pour Google est également sanctionnée, car elle fait peser à la charge des développeurs une menace de résiliation immédiate.
Les clauses de suspension du contrat et de résiliation n’étant pas réciproques, elles sont également sanctionnées.
Les clauses liées à l’utilisation des données et l’usage des signes distinctifs du développeur bénéficiant à Google seul, celles portant exclusions de garantie et de responsabilité au bénéfice de Google, sont également mises en cause.
Google écope d’une amende civile de 2 millions d’euros avec obligation en tant que de besoin de se mettre en conformité.
La décision paraît contestable sur le fond, car elle semble aller plus loin que ce qu’exige le Règlement (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32019R1150.
Frédéric Fournier
Avocat Associé