L’incertitude de la méthode de notation rend la procédure d’appel d’offres irrégulière
1. L’acheteur public a l’obligation d’arrêter et d’annoncer des critères de sélection des offres qui doivent permettre d’une part aux candidats d’élaborer leurs offres en toute connaissance de cause et d’autre part à l’acheteur lui-même d’analyser et comparer ces offres de façon égalitaire.
Le niveau d’informations donné aux candidats ne s’étend cependant pas à la méthode de notation retenue par l’acheteur.
Il est en effet admis que l’acheteur public n’a pas à communiquer aux candidats les différents éléments ou paramètres qu’il retient pour apprécier et évaluer les critères de sélection des offres (CE, 21 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279).
2. Cependant, s’il n’y a pas obligation de communiquer la méthode de notation, il n’y a pas non plus interdiction.
L’acheteur public est libre d’énoncer cette méthode dans les documents de la consultation (ce qui est, au demeurant, souvent constaté notamment en ce qui concerne le critère du prix).
3. Quelle soit énoncée ou pas, la méthode de notation ne peut jamais être arbitraire.
En effet, bien que l’acheteur n’ait pas à l’annoncer, il doit l’avoir arrêtée avant l’analyse des offres et il doit être en mesure de la justifier, tant lorsque le candidat évincé sollicite des informations a posteriori, qu’en cas de contentieux
Car, comme vient de le rappeler le Conseil d’Etat (CE, 19 avril 2013, Ville de Marseille, req. n° 365340), le juge du référé précontractuel contrôle cette méthode de notation.
L’acheteur public doit, par conséquent, pouvoir justifier :
– d’une part que la méthode est cohérente et/ou rationnelle, c’est à dire à tout le moins praticable,
– d’autre part qu’elle a été correctement appliquée, de façon constante et égalitaire.
Il doit également être en mesure de démontrer au juge que la méthode de notation retenue et appliquée permet, avec certitude, d’attribuer la meilleure note à l’offre économiquement la plus avantageuse.
4. Dans l’affaire précitée, l’acheteur public avait – apparemment – indiqué aux candidats la méthode de notation du prix sur la base d’une formule impraticable.
En effet, la méthode ne permettait pas d’indiquer, dans l’une des composantes du prix, un montant égal à zéro, sauf à rendre totalement incohérente l’offre remise par le candidat.
Cette situation avait conduit une entreprise candidate à proposer deux offres de prix pour pallier l’incertitude des informations énoncées par l’acheteur public.
Le Conseil d’Etat confirme que l’incertitude résultant de cette méthode de notation, tant au moment de déposer l’offre pour l’entreprise candidate qu’au moment de l’analyser pour l’acheteur public, rend la procédure irrégulière.
Le Conseil d’Etat souligne que cette incertitude était, dès le lancement de la consultation, de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats.
Il annule donc l’intégralité de la procédure de passation estimant que cette incertitude est a minima susceptible de léser les candidats.
5. Cette décision ne peut, à nouveau, qu’inciter les entreprises à examiner très précisément tant les critères de sélection des offres et leur modalité de mise en oeuvre que, lorsqu’elle est indiquée, la méthode de notation de ces critères.
Face à une incertitude sur la méthode de notation, les entreprises candidats peuvent soit tenter d’en informer l’acheteur public en cours de procédure de passation afin qu’il sécurise la consultation, soit adapter leurs offres pour pallier cette incertitude.
A défaut, les opérateurs économiques évincés pourront valablement contester la décision d’attribution au concurrent attributaire et ce dernier risque de voir le marché in fine lui échapper.
Enfin, lorsque la méthode de notation n’est pas indiquée en amont, les entreprises ont tout intérêt, en toute hypothèse, à demander aux acheteurs publics le détail de l’analyse de leurs offres, et donc la notation et la méthode de notation mise en oeuvre (comme le permet l’article 83 du Code des marchés publics).
Ils pourront ainsi s’assurer, a posteriori, que la méthode de notation retenue et mise en oeuvre n’a pas été arbitraire.
Alexandre Le Mière
Avocat associé