Nouvelle donne sur la saisie de documents confidentiels avocat/client par l’Autorité de la concurrence !
Par six arrêts du 24 avril 2013, la chambre criminelle de la Cour de cassation annule pas moins de 5 ordonnances rendues par le Premier Président de la Cour d’appel de Paris et ouvre une brèche dans la jurisprudence traditionnelle relative au traitement des documents relevant de la confidentialité avocat/client saisis au cours d’opérations de visites et saisies (OVS) menées par l’Autorité de la concurrence.
Pour mémoire, la Cour de cassation considère classiquement que les fichiers informatiques faisant l’objet de saisies sont « insécables », ce qui implique que le Juge des libertés et de la détention peut autoriser l’Autorité de la concurrence à saisir par exemple l’intégralité d’une boîte aux lettres électronique, peu important que celle-ci contienne des fichiers confidentiels avocat/client. Aucune nullité n’est immédiatement encourue de ce chef et la restitution par les enquêteurs après vérification est estimée suffisante pour rétablir l’entreprise saisie dans ses droits.
Dans les affaires en question, le Premier Président de la Cour d’appel de Paris avait ainsi refusé d’invalider des saisies de documents confidentiels avocat/client au motif que celles-ci étaient régulières puisque le caractère insécable des fichiers informatiques à saisir avait été démontré devant le JLD, et qu’une saisie intégrale était donc nécessaire pour la conduite de l’enquête, les documents devant être par suite restitués par les enquêteurs [Cour d’appel de Paris, ord. N° 111 du 15 novembre 2011].
En cassation, les entreprises firent valoir que les données confidentielles avocat/client sont insaisissables et que l’administration ne pouvait donc en prendre connaissance sans porter atteinte aux droits de la défense.
Dans le seul arrêt publié au Bulletin (pourvoi n° 12-80.331, affaire Medtronic), la Cour casse et annule sur ce point précis l’ordonnance au visa de L. 450-4 du Code de commerce et l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 sur la profession d’avocat. La Cour y reconnait un « principe de la libre défense », constituant une « limite » aux pouvoirs confiés à l’Autorité de la concurrence par l’article L. 450-4 du Code de commerce, et sanctionné dès lors qu’il sera prouvé d’une part que le document relève bien de la confidentialité avocat/client et d’autre part que celui-ci est lié à l’exercice des droits de la défense. Dans ces conditions, la saisie de documents confidentiels constituera une violation du secret professionnel « dès le document (…) saisi par les enquêteurs ». Implicitement, cet arrêt semble considérer que la sanction de la violation du secret professionnel est bien la nullité de la saisie des pièces concernées, et que la simple restitution des documents constitue un remède insuffisant.
Charles Méteaut
Avocat à la Cour