Le principe est clair : le licenciement doit être notifié par « l’employeur » (C. trav., art. L. 1232-6), c’est-à-dire le représentant légal de la personne morale, et il ne peut être donné mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour mener la procédure de licenciement
Dans les groupes de sociétés, la jurisprudence est favorable à la notification du licenciement du salarié d’une filiale par un membre de la société mère du groupe (Cass. soc., 13 juin 2018, nº 16-23.701).
Elle se montre plus réservée lorsque la délégation est confiée à un membre du personnel d’une autre filiale. Pour autant, cette possibilité n’est pas totalement exclue, comme le démontre cet arrêt du 28 juin 2023 (Cass. soc., 28 juin 2023, nº 21-18.142 FS-B)
- Les faits
Dans cette affaire, un salarié avait été convoqué à un entretien préalable puis licencié pour faute grave, par le directeur d’une filiale du groupe auquel appartenait la société qui l’employait. Ce directeur y avait été missionné par le groupe en qualité de consultant externe.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de faire juger la rupture sans cause réelle et sérieuse.
Il a toutefois été débouté tant par les juges du fond que par la Cour de cassation.
- La décision
La Cour de cassation a considéré qu’il ne pouvait pas être considéré comme une personne étrangère à l’entreprise. Trois éléments ont été principalement retenus :
– le délégataire litigieux était le directeur d’une société appartenant au même groupe que la société employant le salarié licencié ;
– celui-ci avait été missionné par le groupe en qualité de consultant externe et avait reçu mandat pour agir au nom et pour le compte du représentant légal de la société employeur, « dans le cadre de la gestion opérationnelle administrative et financière de la société, en ce compris notamment les opérations commerciales, les formalités administratives, la comptabilité, la gestion des ressources humaines (recrutement, gestion du personnel, conduite des procédures disciplinaires et de licenciement etc.) et le management de manière générale de la gestion des ressources humaines » ;
– en application de sa mission de consultant, il avait eu l’occasion d’imposer une réorganisation des processus internes de l’entreprise.
Et d’en conclure, que le délégataire n’était pas une personne étrangère à cette société et que la procédure de licenciement avait donc été régulièrement conduite.
- Et le DRH d’un groupe ?
La chambre sociale a jugé que la directrice des ressources humaines d’une autre filiale d’un même groupe devait être considérée comme une personne étrangère à l’entreprise employant le salarié licencié (Cass. soc., 20 oct. 2021, nº 20-11.485 ). Mais dans cette précédente affaire, rien ne permettait d’établir que cette DRH assurait la gestion des ressources humaines de la société du salarié licencié, ou même qu’elle y exerçait un quelconque pouvoir sur sa direction, avait alors relevé la Cour de cassation.
Dans le présent arrêt, le large mandat qu’avait reçu le délégataire au sein de la société employeur, notamment en matière de gestion des ressources humaines, et le fait qu’il était en mesure d’imposer ses décisions en matière de gestion opérationnelle, ont fait toute la différence.
Conclusion : la personne qui signe la lettre de licenciement doit avoir signé une large délégation de pouvoirs en matière de ressources humaines, dans les groupes de société.
Benjamin LOUZIER