Dans le prolongement de l’adoption du Règlement (UE) du 10 mai 2022 relatif à l’application des règles du droit des ententes aux accords de distribution, la Commission européenne a publié, le 30 juin 2022, ses nouvelles lignes directrices dont l’objet, pour rappel, est « d’aider les entreprises à évaluer elles-mêmes les accords verticaux au regard des règles de concurrence de l’Union et de faciliter le contrôle de l’application de l’article 101 du traité ».
Plusieurs évolutions ressortent de ces lignes directrices, notamment en ce qui concerne le volet environnemental.
Dès le point 8 des nouvelles lignes directrices, la Commission rappelle, en effet, que « le développement durable est un principe fondamental du traité et un objectif prioritaire des politiques de l’Union, au même titre que la transition numérique et un marché unique résilient », la notion de durabilité incluant, sans s’y limiter, « la lutte contre le changement climatique (par exemple, par la réduction des émissions de gaz à effet de serre), la limitation de l’utilisation des ressources naturelles, la réduction des déchets et la promotion du bien-être animal ».
Ainsi, si la Commission précise que « les accords verticaux qui poursuivent des objectifs de durabilité ou qui contribuent à la mise en place d’un marché unique numérique et résilient ne constituent pas une catégorie distincte d’accords verticaux au regard du droit de la concurrence de l’Union », de sorte que « l’exemption prévue à l’article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/720 s’applique aux accords verticaux qui poursuivent des objectifs en ce qui concerne la durabilité, la résilience et le numérique, pour autant qu’ils remplissent les conditions du règlement », elle considère toutefois qu’il est nécessaire, dans le cadre de cette analyse, de tenir compte « de l’objectif spécifique qu’ils poursuivent ».
Il en résulte, en particulier, que :
- Les « avantages en matière de durabilité, de numérique ou de résilience » peuvent être pris en compte en tant que « gains d’efficience qualitatifs ou quantitatifs » au sens de l’article 101, paragraphe 3, du traité (Pt.9) ;
- En matière de distribution sélective, les fournisseurs peuvent, par exemple, « exiger des distributeurs qu’ils fournissent des services de recharge ou des installations de recyclage dans leurs points de vente ou qu’ils veillent à ce que les biens soient livrés par des moyens durables, tels que le vélo-cargo, plutôt que par des véhicules à moteur » (Pt. 144) ;
- En matière de distribution omnicanale, les fournisseurs peuvent « définir différents critères relatifs au développement durable pour les canaux de vente en ligne et hors ligne » ; ils peuvent, par exemple, « exiger des points de vente écoresponsables ou le recours à des services de livraison utilisant des vélos verts » (Pt. 235) ;
- En matière d’obligation d’approvisionnement exclusif, il serait possible de prévoir une durée supérieure aux 5 ans visés par le Règlement (UE) du 10 mai 2022 dans les accords conclus entre un fournisseur d’énergie « faisant face à une demande accrue d’énergie renouvelable [qui] souhaite investir dans une centrale hydroélectrique ou un parc éolien » et des acheteurs qui « sont prêts à s’engager à acheter de l’énergie renouvelable sur une plus longue période », dès lors que l’investissement réalisé par le fournisseur ne pourrait être amorti que sur une longue durée.
L’énoncé de ce principe et de ces quelques exemples laisse entrevoir les restrictions de concurrence que peuvent envisager de prévoir les promoteurs de réseau de distribution, quelle qu’en soit la forme (distribution sélective, distribution exclusive, franchise, etc.), dans les contrats conclus avec leurs distributeurs, aux fins notamment d’atteindre leurs objectifs en matière de RSE ou de durabilité.
Régis Pihery
Avocat Associé