Le 13 mai 2009, la Commission Européenne sanctionnait Intel par une amende de 1,06 milliard d’euros pour abus de position dominante sur le marché de certains processeurs.
Intel consentait des rabais à des constructeurs informatiques et distributeurs en contrepartie de leur engagement d’achat exclusifs auprès d’Intel de processeurs x86. La Commission avait estimé le comportement d’Intel anticoncurrentiel car il aurait contribué à réduire le choix offert aux consommateurs ainsi que les incitations à l’innovation.
La procédure s’est poursuivie avec renvoi de la CJUE au Tribunal.
Le Tribunal rappelle que, si un système de rabais d’exclusivité instauré par une entreprise en position dominante sur le marché peut être qualifié de restriction de concurrence, dès lors que, compte tenu de sa nature, ses effets restrictifs sur la concurrence peuvent être présumés, il ne s’agit, en l’occurrence, que d’une présomption simple qui ne saurait dispenser d’en examiner les effets potentiellement anticoncurrentiels.
En particulier, il rappelle que, si un test AEC (« as efficient competitor test » : vérification qu’un concurrent aussi efficace que le dominant peut proposer un tarif attractif au client mais inférieur à ses coûts évitables moyens ou coûts marginaux moyens de long terme, ce qui a pour elle un effet d’éviction)a été effectué par la Commission, il fait partie des éléments dont elle doit tenir compte pour apprécier la capacité du système de rabais de restreindre la concurrence et qu’elle ne peut considérer que les résultats du test AEC n’étaient pas nécessaires pour lui permettre d’établir le caractère abusif des rabais.
Le Tribunal estime les résultats des tests insuffisants ou les conclusions de la Commission erronées ou extrapolées…
Il constate également que la Commission n’a pas dûment examiné le critère relatif au taux de couverture du marché par la pratique contestée et n’a pas davantage procédé à une analyse correcte de la durée des rabais.
Pour cela, le Tribunal annule la décision de la Commission, en ce qu’elle considérait les pratiques comme constitutives d’un abus de position dominante et annule donc l’amende.
Rappelons que l’Autorité de la Concurrence français avait édité en 2018 un guide sur les remises fidélisantes (https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2019-12/pdf_final.pdf), qu’elle concluait notamment ainsi (pages 125-126) :
« Les remises peuvent notamment emporter un effet anticoncurrentiel lorsqu’elles reposent, directement ou indirectement, sur un mécanisme de couplage ou de levier entre des achats non-contestables et des achats contestables. Ainsi, des remises dites incrémentales et exclusivement liées aux quantités achetées sont généralement peu susceptibles d’engendrer un effet d’éviction, en dehors de l’hypothèse d’une prédation, car elles n’emportent pas, en principe, d’effet de levier ou de couplage sur lequel pourrait s’appuyer l’entreprise dominante pour contraindre ses clients à délaisser les produits ou services concurrents. Cet effet de levier existe, en revanche, lorsque les remises sont rétroactives et que, du fait de sa position dominante forte ou des circonstances de l’espèce, l’entreprise proposant ces remises ne peut être concurrencée pour une certaine part des besoins des clients.
Par ailleurs, les remises dites d’exclusivité, parce qu’elles visent à inciter les clients à s’approvisionner pour la totalité ou pour une part importante de leurs besoins auprès de l’opérateur dominant, appellent une attention toute particulière en raison de leur capacité d’éviction de la concurrence, même si l’entreprise concernée conserve la 126 possibilité de démontrer qu’elles sont dépourvues de tout effet anticoncurrentiel. »
Frédéric Fournier
Avocat associé
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