Le protocole sanitaire en entreprise vient d’être actualisé pour tenir compte des récentes annonces gouvernementales. Il dit « imposer » désormais 3 jours télétravaillés par semaine pour les postes qui le permettent, ceci pour trois semaines.
Lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, ce nombre peut être porté à 4 jours par semaine, toujours selon ce même protocole sanitaire.
Cela rend il le télétravail obligatoire ? Non.
1. Le texte imposant le télétravail est-il contraignant ?
NON.
Le télétravail n’a pas fait l’objet d’une mesure législative ou réglementaire.
Il n’existe que par la voie du Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise.
Il émane du seul ministère du Travail et s’apparente à une simple circulaire.
Selon deux ordonnances du Conseil d’État (ordonnance du 19 octobre 2020 (no 444809) // 17 décembre 2020 (no 446797)) il n’est pas contraignant:
« le protocole dont la suspension est demandée constitue est un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail ».
« Le protocole dont la suspension est demandée constitue un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du code du travail. »
2. L’employeur peut-il choisir d’autres solutions que le télétravail ?
OUI.
Le Conseil d’Etat indique que c’est l’employeur qui choisit les mesures à mettre en œuvre au titre de son obligation de sécurité :
« …le protocole a pour seul objet d’accompagner les employeurs dans leur obligation d’assurer la sécurité et la santé de leurs salariés au vu des connaissances scientifiques sur les modes de transmission du SARS-CoV-2 et n’a pas vocation à se substituer à l’employeur dans l’évaluation des risques et la mise en place des mesures de prévention adéquate dans l’entreprise… ; qu’il lui incombe dans ce cadre d’évaluer les risques et de mettre en œuvre des actions et moyens de prévention adaptés; que la mise en place du télétravail pour les activités qui le permettent participe des mesures pouvant être prises par l’employeur dans ce cadre. »
Le protocole sanitaire n’a donc pas pour effet d’imposer aux entreprises le télétravail.
Celles-ci conservent le pouvoir d’évaluer les risques et de mettre en œuvre les mesures de prévention et d’organisation, dont le télétravail, qu’elles jugent les plus adaptées pour assurer la sécurité de leurs salariés.
3. Le Code du travail ne comporte aucune obligation de télétravail
Le Code du travail ne comporte aucune obligation de télétravail.
L’article L. 1222-11 du Code du travail, évoque le télétravail en temps d’épidémie comme une faculté :
« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »
4. L’employeur peut-il être sanctionné par l’Inspection du travail s’il ne met pas en place le télétravail ?
Non.
L’absence de mise en œuvre du télétravail ne peut être sanctionnée par une contravention pénale dans la mesure où il ne repose sur aucune obligation législative ou réglementaire.
Un inspecteur du travail ne peut pas dresser autant de procès-verbaux qu’il y a de salariés qui ne sont pas en télétravail, faute de texte.
5. En revanche l’Inspection du travail peut mettre en demeure l’employeur de prendre « toute mesures utiles »
L’article L. 4121-1 du Code du travail sur l’obligation de sécurité de l’employeur et les principes généraux de prévention, sur lesquels repose l’organisation du travail et notamment le télétravail, n’est pas pénalement répréhensible.
L’Inspection du travail peut mettre l’employeur en demeure de prendre « toutes les mesures utiles » pour remédier à la situation dans un certain délai mais ne peut contenir de prescription lui enjoignant de recourir à une méthode particulière ou de privilégier telle mesure en particulier.
Il appartient à l’employeur de décider les moyens à mettre en œuvre, quels qu’ils soient, pour faire cesser la situation.
L’employeur doit mettre fin à la situation dangereuse mais conserve donc une certaine latitude quant à l’appréciation des moyens.
6. Les choses pourraient-elles changer dans les prochains jours ? OUI
Un projet de loi prévoyant de transformer le passe-sanitaire en passe vaccinal est actuellement en cours d’examen par le Parlement. La ministre du travail a annoncé qu’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 1 000 € par salarié (dans la limite d’un montant total de 50 000 € par entreprise) pourrait être infligée aux entreprises récalcitrantes à la mise en oeuvre du télétravail. Cette sanction devrait être introduite par amendement dans le projet de loi précité.
Pour savoir si cela rend obligatoire le télétravail obligatoire, il faudra analyser le texte mais, quoi qu’il en soit, il ne rentrera pas en vigueur avant plusieurs semaines…
Benjamin Louzier
Avocat Associé