Dans de nombreuses situations prévues par le Code du travail, l’Inspection du travail doit envoyer une mise en demeure avant de dresser un procès-verbal et donc d’engager des poursuites.
A titre d’exemple les agents de contrôle de l’inspection du travail, lorsqu’ils constatent une infraction à l’article R. 4224-3 du Code du travail (mauvais aménagement d’un lieu de travail, des sens de circulation, etc.), sont tenus, s’ils ne dressent pas immédiatement le procès-verbal constatant cette infraction, de mettre l’employeur en demeure de se conformer aux règles de sécurité lorsque les faits qu’ils constatent présentent un danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des travailleurs.
A défaut, toute la procédure est nulle : PV de l’inspection du travail et poursuite pénale subséquente.
1. Les faits :
Dans un arrêt récent (Cass. crim., 19 octobre 2021, nº 21-80.146 F-B) le principe est clairement énoncé.
Le 2 mai 2016, un salarié a été gravement blessé par une chargeuse-pelleteuse alors qu’il circulait à pied dans une zone de déchargement.
Le lendemain, l’inspection du travail s’est rendue sur les lieux mais n’a dressé un procès-verbal que le 30 août 2017, retenant l’infraction de manquement aux prescriptions de l’article R. 4224-3 du Code du travail, selon lesquelles les lieux de travail intérieurs et extérieurs doivent être aménagés de telle façon que la circulation des piétons et des véhicules puisse se faire de manière sûre.
La société et son directeur général ont ensuite été condamnés devant le tribunal correctionnel pour ne pas avoir pris, du 2 mai 2016 au 16 décembre 2017, les mesures d’aménagement requises par les textes.
2. La décision :
L’entreprise a toutefois contesté ce jugement, demandant la nullité du procès-verbal ayant servi de fondement à ces poursuites, au motif de l’absence de mise en demeure préalable.
En effet, les agents de contrôle de l’inspection du travail, avant de dresser procès-verbal, doivent mettre l’employeur en demeure de se conformer aux prescriptions légales ou réglementaires (C. trav., art. L. 4721-4). Par dérogation, ils sont autorisés à dresser immédiatement procès-verbal lorsque les faits qu’ils constatent présentent un danger grave ou imminent pour l’intégrité physique des travailleurs (C. trav., art. L. 4721-5).
Pour la Haute juridiction, dès lors que le procès-verbal n’avait pas été immédiatement dressé, la mise en demeure préalable s’imposait :
« le procès-verbal n’ayant été dressé que le 30 août 2017, soit près de 16 mois après l’accident, il devait être précédé d’une mise en demeure préalable ». La chambre criminelle ajoute que « l’inobservation de cette formalité, dont l’objet est de permettre au contrevenant de se mettre en conformité avant toute poursuite, lui fait nécessairement grief ».
Toute la procédure a donc été annulée et les dirigeants vont donc être relaxés.
Benjamin Louzier
Avocat Associé