Télétravail : l’employeur doit rembourser les frais liés au télétravail – mais l’employeur peut-il refuser ? Comment peut-il se défendre ?

Les juges considèrent que les frais engagés par le salariés dans le cadre du télétravail doivent lui être remboursés. Mais l’employeur peut se défendre…

  1. Quels sont les frais concernés ?

 
Deux décisions très récentes résument les frais à rembourser :
 

  • l’employeur est tenu envers son salarié de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. Indépendamment des outils informatiques et de communication mobile mis à disposition par son employeur, une salariée est bien fondée à solliciter le remboursement des frais occasionnés par le télétravail qu’elle a effectué depuis son domicile pendant presque 8 ans, la somme de 4 810 € lui devant lui être versée à titre d’indemnité de remboursement des frais professionnels (CA Grenoble 3-12-2020 no 18/01612).
  • il en est de même des frais supplémentaires de chauffage, électricité et connexion internet occasionnés par le télétravail ainsi que la prise en charge partielle de loyer correspondant à la quote-part de la superficie du domicile du salarié dédiée à son espace de travail, de même, la quote-part d’assurance habitation (CA Rennes 11-2-2021 no 17/07413).
  1. Qu’en est il des tickets restaurant ?

 
Les juges hésitent…
 
Deux décisions sont contradictoires (TJ Nanterre, 10 mars 2021, no 20/09616 ; TJ Paris, 30 mars 2021, no 20/09805)

Réponse du Tribunal judiciaire de Nanterre : « la situation des télétravailleurs et celle des salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des tickets-restaurant ne sont pas comparables », de sorte qu’il n’est pas interdit de traiter différemment ces deux populations de salariés et de priver les télétravailleurs de tickets-restaurant.

À l’inverse, le Tribunal judiciaire de Paris considère que « les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site », de sorte qu’ils doivent bénéficier de tickets-restaurant si les salariés qui travaillent dans les locaux de l’entreprise en bénéficient.

L’Administration va dans le sens de la prise en charge :

Ainsi le ministère du Travail estime que « dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes » (Questions-réponses mises à jour en dernier lieu le 25 mars 2021).

Quant aux Urssaf, le (nouveau) Bulletin Officiel de Sécurité Sociale indique que « lorsque les travailleurs bénéficient des titres restaurants, il peut en être de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite ». L’employeur aurait donc le choix…

Que faire ?
 
Il nous semble que le principe d’égalité de traitement pourrait conduire à l’attribution des tickets restaurant au télétravailleur si le télétravail est imposé. S’il est choisi et que le contrat de travail précise que le salarié n’aura pas droit aux tickets restaurant, le refus de l’employeur pourrait être justifié.
 
 

  1. Comment prendre en charge tous ces frais de manière simple ?

 
Le plus simple serait d’appliquer le barème forfaitaire de l’URSSAF qui précise que lorsque le salarié en situation de télétravail engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine (cette allocation forfaitaire passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine…).
 
 

  1. Comment l’employeur peut il se défendre en cas de demande de remboursement abusive ?

Il lui suffira de dire que le salarié devait avoir l’accord de l’employeur avant d’engager la dépense.

En effet : un arrêté du 2 avril porte extension de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre émet une réserve relative au « respect du principe général de prise en charge des frais professionnels ».

En la matière, l’article 3.1.5 de l’ANI prévoit notamment que les dépenses engagées par le télétravailleur pour les besoins de son activité professionnelle doivent être prises en charge par l’employeur dès lors que celui-ci les a validées

L’arrêté précise que cette validation des frais professionnels par l’employeur doit intervenir avant leur engagement par le salarié. Pour imposer cette interprétation, le ministère du Travail se réfère au principe général de prise en charge des frais professionnels « tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 25 février 1998, nº 95-44.096) ».

Selon l’arrêté, il en résulte en effet que la validation des frais professionnels par l’employeur doit être « interprétée comme étant préalable, et non postérieure, à l’engagement des dépenses par le salarié ».

En conclusion : afin que les règles de remboursement des frais liés au télétravail soient claires et opposables au salarié nous vous conseillons de conclure un accord collectif de télétravail avec vos élus, ou d’insérer les règles dans le contrat de travail.

Benjamin Louzier
Avocat Associé