- Quand les entreprises vont-elles être contrôlées ?
Selon le ministère : des contrôles seraient opérés dès la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Ces contrôles seront réalisés, sur place et sur pièces, de jour comme de nuit, par les agents de l’inspection du travail dotés de moyens d’actions particulièrement étendus en matière de lutte contre le travail illégal. Ils peuvent notamment auditionner en tout lieu (y compris à son domicile) et avec son consentement, l’employeur ou son représentant.
2. Exemples d’employeurs sanctionnés
Le ministère du Travail a rappelé que le délit de fraude à l’activité partielle pourrait ainsi être caractérisé en cas de demandes d’indemnisation formulées par des employeurs pour des salariés (i) travaillant en télétravail, (ii) présents sur le lieu de travail et redéployés à d’autres tâches en l’absence de clients et/ou (iii) ayant posé des congés payés ou des jours de RTT.
La jurisprudence a ainsi considéré que le fait pour un employeur d’une part, de fournir une demande d’indemnisation accompagnée d’états nominatifs mensuels ne distinguant pas les périodes de l’activité et d’autre part, de ne pas établir de planning prévisionnel de travail détaillé par salarié, ni de décompte des heures de travail par salarié durant la période de chômage partiel, en méconnaissance des dispositions légales et empêchant tout contrôle, caractérise les manœuvres frauduleuses du délit d’escroquerie au chômage partiel (Cass. crim., 27 juin 2018, no 17-81.980).
3. Quels documents doivent avoir les employeurs pour se protéger ?
Outre la copie du registre du personnel, l’employeur pourra notamment se voir réclamer :
- tout document de décompte du temps de travail de l’entreprise permettant de comptabiliser les heures travaillées et/ou chômées ;
- le double des bulletins de salaire mentionnant le nombre d’heures indemnisées, les taux appliqués ainsi que les sommes versées.
L’absence de tenue ou la tenue non conforme des documents de décompte de la durée du travail pourrait, le cas échéant, constituer un délit d’obstacle à l’accomplissement des devoirs d’un inspecteur ou d’un contrôleur du travail.
- Dans le même sens, les salariés pourront être entendus par les agents de contrôle et invités à leur remettre tout élément attestant, directement ou indirectement, de leur temps de travail effectif dans ce contexte exceptionnel : plannings, agendas, congés mais aussi emails, messages SMS ou WhatsApp, conférences téléphoniques et/ou relevés d’appels de l’employeur.
Il est donc indispensable de mettre en place des documents internes permettant de distinguer :
- Les heures de travail et les heures chômés
- Les jours de travail et les jours non travaillés
- Les jours travaillés en télétravail et les jours non travaillés
4. Les invitations à la délation du Ministère :
Le ministère a invité les représentant du personnel à signaler tout abus à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).
5. Les sanctions encourues :
- Travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié (C. trav., art. L. 8221-5) : Personnes physiques : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (C. trav., art. L. 8224-1). Personnes morales : 225 000 euros d’amende (C. trav., art. L. 8224-5).
- Infraction à l’obligation d’établir les documents relatifs au décompte du temps de travail (C. trav., art. R. 3173-2) et infractions à la législation sur la durée maximale du temps de travail (C. trav., art. R. 3124-3 et R. 3124-11) : Personnes physiques : 750 euros d’amende, prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés. Personnes morales : 3 750 euros d’amende, prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés.
- Fraude à l’activité partielle (C. trav., art. L. 5124-1) : Personnes physiques : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (C. pén., art. 441-6). Personnes morales : 150 000 euros d’amende (C. pén., art. 441-6).
- Escroquerie (C. pén., art. 313-1) : Personnes physiques : 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende (C. pén., art. 313-1). Personnes morales : 1 875 000 euros d’amende (C. pén., art. 313-1).
Ces contrôles pourraient parallèlement conduire l’Urssaf à considérer les indemnités indûment versées au titre de l’activité partielle comme la contrepartie d’une activité soumise à cotisations salariales et patronales, ce qui exposerait l’employeur à un risque supplémentaire de redressement, assorti de pénalités et de majorations, dont celle de 40 % prévue en matière de travail dissimulé.
Benjamin Louzier
Avocat Associé