Qu’est ce que le droit de retrait ?
Le salarié alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Nature du danger :
Ce peut être un accident : événement soudain et localisé dans le temps.
Ce peut être la maladie, résultat d’une série d’événements à évolution progressive. Par exemple, une brusque asphyxie, une intoxication plus ou moins lente ou rapide due à des émanations toxiques. Par exemple : affections provoquées par l’inhalation de poussières (d’amiante, d’oxyde de fer, de chlorure de potassium, …)
Peut par exemple exercer son droit de retrait le salarié dont l’état de santé ne lui permet pas d’occuper le poste auquel il est muté, le mettant en contact avec des animaux ou des produits chimiques.
Notion de danger grave et imminent :
La loi a entendu viser les situations où le risque est réalisable brusquement, dans un délai rapproché, représente une menace sérieuse et très proche dans le temps, de nature à se matérialiser dans très peu de temps, et sans qu’il y ait d’autre moyen d’agir pour y échapper.
Cela signifie en principe que en cas de mise à disposition d’équipements spéciaux et de rappel des règles de base de la sécurité, le droit de retrait ne peut pas être invoqué.
Face au coronavirus, le salarié peut-il exercer son droit de retrait ?
A priori NON, mais uniquement si l’employeur a pris des mesures de protection. Mais chaque cas doit être analysé précisément
Tout salarié peut décider de se retirer d’une situation de travail dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. La légitimité de l’exercice du droit de retrait va donc dépendre des spécificités de la situation de chaque salarié, telles que son degré d’exposition au risque de contamination et la gravité du risque en cas de contamination effective.
Un salarié pourrait donc user de son droit de retrait si sa situation de travail l’amenait à être exposé directement au virus sans protection. Le simple fait de travailler dans une zone à risque ne légitime néanmoins pas l’exercice du droit de retrait. Par ailleurs, on peut penser qu’un salarié souffrant d’une pathologie chronique ou soumis à un traitement immunosuppresseur aurait, face à un juge, davantage de légitimité à exercer son droit de retrait que ses collègues en parfaite santé.
Au regard du questions/réponses qu’il a publié, le ministère du Travail semble considérer qu’à partir du moment où l’employeur respecte les recommandations du gouvernement disponibles et actualisées sur la page https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus, l’exercice du droit de retrait ne serait pas justifié. Signalons cependant que la position du gouvernement n’a aucune portée normative et ne lie donc pas les juges qui conservent leur pouvoir souverain d’appréciation.
Pour éviter l’exercice du droit de retrait : voici les mesures à prendre
Le but est d’éviter qu’un salarié puisse avoir un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent. Dans le contexte actuel, l’employeur doit donc prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la réalisation du risque de contamination de ses salariés, c’est-à-dire :
- reporter les déplacements dans les zones à risques
- mise en télétravail
- limiter les rassemblements et utiliser les outils de communication à distance
- rappeler les recommandations standards pour prévenir la propagation des infections, à savoir le respect des mesures habituelles d’hygiène, notamment se laver fréquemment les mains, tousser ou éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique et porter un masque quand on est malade ;
- mettre à disposition des salariés des équipements de protection individuelle (savon désinfectant, solution hydroalcoolique) ;
- veiller à l’hygiène des locaux de travail et des outils de travail en demandant au service d’entretien de porter une attention particulière sur les vecteurs de propagations du virus (poignées de porte notamment).
- actualisation du document unique sur l’évaluation des risques en visant particulièrement à identifier les situations de travail pour lesquelles les conditions de transmission du coronavirus Covid-19 peuvent se trouver réunies
L’employeur pourrait-il prendre la température des salariés à l’entrée de l’entreprise ?
NON.
L’article L. 1121-1 du Code du travail interdit d’apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. La mesure consistant à prendre la température des salariés de manière systématique à leur arrivée caractérise incontestablement une atteinte disproportionnée au droit à leur vie privée. Néanmoins, l’employeur peut les sensibiliser à la nécessité de prendre eux-mêmes leur température et de rester à leur domicile en cas de fièvre. Des entreprises mettent désormais des thermomètres à leur disposition
Dans le cadre de recommandations publiées le 6 mars dernier sur son site internet, la Cnil a rappelé que l’employeur doit s’abstenir de procéder à une collecte qui porte atteinte au respect de la vie privée.
Il n’est donc pas possible de mettre en œuvre, par exemple :
– des relevés obligatoires des températures corporelles de chaque employé/agent/visiteur à adresser quotidiennement à sa hiérarchie ;
– ou encore, la collecte de fiches ou questionnaires médicaux auprès de l’ensemble des employés/agents.
L’employeur peut il sanctionner un salarié qui fait valoir son droit de retrait ?
Oui s’il est abusif.
Mais il convient d’être prudent car la légitimité du droit de retrait est appréciée par le juge.
Attention toutefois car le salarié a le droit de se tromper : la loi ne subordonne pas le droit de retrait à l’existence effective d’un danger grave et imminent. Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de penser qu’il en est ainsi. Une erreur d’estimation de la part du salarié n’est pas en soi fautive. En revanche, le salarié peut être sanctionné en cas de retrait non fondé sur un motif raisonnable.
Rappelons qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif légitime de penser qu’elle présentait un danger grave ou imminent pour chacun d’eux.
Le licenciement ou la sanction fondée notamment sur l’exercice légitime du droit de retrait d’un salarié est nul
En cas de droit de retrait abusif : l’employeur peut retenir le salaire, sanctionner ou licencier ?
Lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire immédiate, peu important qu’il reste à la disposition de l’employeur. Il peut également sanctionner ou licencier.
Benjamin Louzier
Avocat Associé