Entretien professionnel : attention à la date couperet du 6 mars 2020 !

Le 6 mars 2020 expire la période de six ans aux termes de laquelle l’employeur doit réaliser un entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié

La loi du 5 mars 2014 a introduit l’obligation à la charge de tout employeur de réaliser tous les deux ans, avec chaque salarié, « un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle » (C. trav., art. L. 6315-1 et s.).

Tous les six ans, cet entretien fait « un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié » visant à apprécier concrètement son évolution professionnelle au cours de cette période. La première période de six ans expire le 6 mars 2020.

Le non-respect de cette obligation est susceptible d’être sanctionné par des dommages et intérêts et de lourdes sanctions financières.

QUAND DOIT-ON FAIRE L’ENTRETIEN ?

Tous les deux ans, quel que soit l’effectif de l’entreprise, chaque salarié bénéficie avec son employeur d’un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle. La périodicité biennale s’apprécie à compter de l’embauche.

Cet entretien est également systématiquement proposé au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée, d’une période d’activité à temps partiel, d’un arrêt longue maladie ou à l’issue d’un mandat syndical.

Tous les six ans, l’entretien professionnel ci-dessus récapitule aussi le parcours professionnel du salarié.

Tous les salariés déjà dans l’entreprise lors de l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014, soit le 7 mars 2014, doivent donc avoir bénéficié de cet entretien professionnel-bilan au plus tard le 6 mars 2020.

QUEL EST LE CONTENU DE L’ENTRETIEN ET DU DOCUMENT ECRIT A REDIGER

Tous les six ans, l’entretien professionnel, est à la fois dirigé vers l’avenir, puisqu’il porte sur les perspectives d’évolution professionnelle, et orienté vers le passé, puisqu’il vise à établir le bilan des six dernières années.

Aux termes de l’article L. 6315-1, I du Code du travail, l’entretien biennal entre l’employeur et le salarié est consacré à « ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle ».

L’entretien professionnel n’a pas d’autre objet que les perspectives d’évolution du salarié : au cours de cet entretien, ne doivent pas être abordés, par exemple, l’évaluation du travail ou la charge de travail ou encore les objectifs annuels.

De façon positive, l’objet de l’entretien – les perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emplois – est quelque peu imprécis. La loi du 5 septembre 2018 a ajouté que l’employeur doit transmettre, lors de cet entretien, des informations sur la validation des acquis de l’expérience, le conseil en évolution professionnelle, l’activation du compte personnel de formation et les éventuels abondements de l’employeur.

Concrètement, ces informations consistent à :

  • exposer ces dispositifs,
  • indiquer quels sont les organismes à contacter pour des renseignements complémentaires,
  • communiquer les modalités pratiques d’activation du compte personnel de formation.

Aux termes de l’article L. 6315-1, II du Code du travail, l’entretien sexennal entre l’employeur et le salarié, d’une part, « permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels » tous les deux ans, et, d’autre part, « d’apprécier s’il a : 1o suivi au moins une action de formation ; 2o acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ; 3o bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle ».

Il paraît de bonne pratique de réaliser l’entretien sexennal dans la foulée du troisième entretien biennal.

Tout entretien professionnel, biennal ou sexennal, donne lieu à la rédaction d’un document écrit dont une copie est remise au salarié.

QUELLES SONT LES SANCTIONS ?

L’absence d’action de formation au cours d’une période de plusieurs années consécutives constitue un manquement de l’employeur à son obligation de maintien de l’employabilité, constitue un préjudice pour le salarié susceptible d’être réparé par l’allocation de dommages et intérêts.

Une sanction spécifique à certaines entreprises est prévue en ces termes : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L. 6 323-13. »

Cette sanction spécifique ne concerne que les entreprises de 50 salariés au moins.

Cette sanction intervient lorsque deux conditions cumulatives sont réunies à l’issue d’une période de six ans (à compter du 7 mars 2014 pour les salariés présents dans l’entreprise à cette date, à compter de leur embauche pour les autres) :

  • l’absence des entretiens biennaux ;
  • le salarié n’a pas bénéficié, au cours de cette période, d’une formation autre qu’une formation obligatoire.

La sanction consiste en un abondement correctif du compte personnel de formation du salarié de 3 000 euros pour un salarié à temps complet. L’employeur adresse à la Caisse des dépôts et consignations le montant de l’abondement ainsi que le nom et les données d’identification du salarié bénéficiaire (C. trav., art. R. 6323-3). Le salarié est informé de ce versement.

Les agents de l’inspection du travail et les inspecteurs de la formation professionnelle peuvent mettre en demeure l’entreprise de procéder au versement. À défaut, le Trésor public procède au recouvrement du versement omis ou insuffisant avec une majoration de 100 % (C. trav., art. L. 6323-13).

COMMENT ECHAPPER AUX SANCTIONS ?

Même en ce qui concerne les salariés présents dans l’entreprise le 7 mars 2014, et pour lesquels les entretiens biennaux n’auraient pas été réalisés en leurs temps, l’employeur peut encore échapper à cette sanction spécifique en leur faisant bénéficier d’une formation non obligatoire avant le 6 mars 2020.

Mais il existe une autre possibilité d’échapper à cette sanction spécifique et ce jusqu’au 31 décembre 2020. Il faut donc aller très vite.

En effet, la loi du 5 septembre 2018 a modifié à compter du 1er janvier 2019 les deux obligations cumulatives de l’article L. 6315-1 du Code du travail énoncées ci-dessus. Jusqu’alors, l’article L. 6315-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de loi du 5 mars 2014, disposait que l’employeur d’au moins 50 salariés était sanctionné lorsqu’au cours de la période de six ans, le salarié n’avait, ni bénéficié des entretiens biennaux, ni bénéficié d’au moins deux des trois mesures suivantes : suivi d’au moins une action de formation, acquisition d’éléments de certification par la formation ou la validation des acquis de l’expérience, bénéfice d’une progression salariale ou professionnelle. Le législateur a prévu une mesure transitoire pour permettre aux entreprises d’au moins 50 salariés de se mettre en conformité : jusqu’au 31 décembre 2020, ces employeurs peuvent, pour échapper à la sanction, se prévaloir des dispositions en vigueur avant le 1er janvier 2019.Ainsi, échappe à la sanction l’employeur :

Ainsi, échappe à la sanction l’employeur :

  • qui a organisé les entretiens biennaux
  • et qui a fait bénéficier les salariés à son effectif le 7 mars 2014 d’au moins deux des trois mesures ci-dessus (par exemple, une augmentation de rémunération et une formation obligatoire). La période transitoire s’achèvera le 21 décembre 2020.

Benjamin Louzier
Avocat Associé