Selon le TGI de Bobigny, l’employeur est fondé à demander à l’Urssaf le remboursement de la contribution payée sur les stock-options qui n’ont pu être levés en raison du départ prématuré de leurs bénéficiaires.
La demande doit intervenir dans un délai de trois ans à compter dudit départ (TGI Bobigny, pôle social, 12 juill. 2019, RG no 19/01000).
Les faits :
Lorsqu’une société attribue à ses salariés des stock-options, le bénéfice effectif de l’avantage est subordonné à la levée des options par les bénéficiaires potentiels.
La plupart des plans de stock-options conditionnent expressément la possibilité de lever les stock-options à la présence des bénéficiaires dans l’entreprise à l’issue de la période d’indisponibilité. Si le salarié est licencié ou démissionne avant la fin de cette période, il ne sera pas en mesure de lever les options. Il en résulte qu’au moment où les stock-options sont attribuées, le gain ou bénéfice n’est que virtuel.
Pourtant, dès que l’employeur attribue des stock-options, il doit s’acquitter auprès de l’Urssaf d’une contribution patronale spécifique prévue par l’article L. 137-13 I du Code de la sécurité sociale, et ce alors même qu’un certain nombre de salariés bénéficiaires ont vocation à quitter l’entreprise avant de pouvoir lever les options et ne profiteront donc jamais effectivement de l’avantage en question.
Pour remédier à cette situation, certaines sociétés prennent en considération un taux de départ prévisible des salariés bénéficiaires de stocks pour déterminer l’assiette de la contribution patronale due au titre de cet avantage.
Cette pratique n’est pas autorisée.
Dans ces conditions, s’est posée la question de savoir si l’employeur pouvait solliciter, postérieurement à leur départ, le remboursement de la contribution patronale versée au titre d’avantages ne leur ayant finalement jamais été attribués.
Réponse : oui
Une société avait mis en place, au bénéfice de certains salariés, deux plans de stock-options en 2014 et 2015.
Ces plans subordonnaient expressément la possibilité de lever les options à la présence des bénéficiaires dans l’entreprise.
Dans ces conditions, la société avait pris en considération un taux de départ prévisible des salariés bénéficiaires de stocks pour déterminer l’assiette de la contribution patronale due au titre de cet avantage, en application de l’article L. 137-13 du Code de la sécurité sociale.
À l’issue du contrôle, les inspecteurs Urssaf d’Île-de-France avaient redressé la société au motif que cette pratique n’était pas conforme à la loi.
Parallèlement à la contestation du redressement opéré, la société a sollicité auprès de l’Urssaf d’Île-de-France le remboursement de la contribution patronale versée au titre des options qui n’avaient pu, in fine, être levées en raison du départ de leurs bénéficiaires. Cette demande de remboursement pouvait se fonder sur :
- une décision du Conseil constitutionnel du 28 avril 2017
- une décision de la Cour de cassation du 12 octobre 2017 ayant tiré les conséquences de cette réserve d’interprétation :
« L’article L. 137-13, II du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi no 2015-990 du 6 août 2015, applicable au litige […] ne fait pas obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles l’attribution des actions gratuites était subordonnée ne sont pas satisfaites. » (Cass. 2e civ., 12 oct. 2017, no 16-21.686)
L’Urssaf a, toutefois, refusé de faire droit à cette demande de remboursement.
Le jugement :
Dans son jugement du 12 juillet 2019, le tribunal a censuré les arguments avancés par l’Urssaf au soutien de son refus de remboursement.
« Il résulte dès lors de ce qui précède que la société est fondée à prétendre que le droit à restitution tel qu’énoncé par le Conseil constitutionnel dans sa décision en date du 28 avril 2017 peut être invoqué par les employeurs s’étant acquitté de la contribution patronale au titre d’options de souscription ou d’achats d’action non effectivement exercées…
…L’Urssaf ne peut ainsi valablement prétendre que la Société aurait pu, avant la décision du 28 avril 2017, tenter d’obtenir le remboursement des contributions litigieuses dès lors qu’une telle action aurait été vaine.
En conséquence, ainsi que le soulève à juste titre la société, la décision du Conseil constitutionnel a révélé une non-conformité d’une règle de droit dont il été fait application par les juridictions de l’ordre judiciaire, à savoir l’absence de droit à restitution nonobstant l’absence de levée des options par leurs bénéficiaires.
Cette décision a donc consacré un droit au remboursement de la contribution patronale versée.
C’est donc à bon droit que la société sollicite l’application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 243-6 du Code de la sécurité sociale qui prévoient des règles spéciales de prescription qu’il convient d’appliquer à ses demandes de remboursement formulées suite à la décision du 28 avril 2017… »
…Il convient dans ces conditions de faire application des dispositions générales du Code civil et de déterminer le jour où la société a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer sa demande de remboursement, soit le jour où l’obligation de paiement est née.
Contrairement à ce qu’elle soutient, cette obligation n’est pas née au jour où la décision révélant la conformité de la règle de droit a été rendue par le Conseil constitutionnel mais le jour du départ de la société des bénéficiaires d’options de souscription ou d’achat d’options lorsque la levée d’options est conditionnée à leur présence dans l’entreprise et/ou, le cas échéant, le jour de la détermination de l’absence de réalisation de la condition de performance.
Compte tenu des termes des plans litigieux, et en particulier de leur article 9 qui subordonnent l’exercice de l’option à une condition de présence dans l’entreprise, la levée d’option est devenue irréalisable à la date du départ du bénéficiaire de sorte qu’une obligation de remboursement en résultait pour l’Urssaf à cette date.
Ainsi, en application de l’alinéa 2 de l’article L. 243-6 du Code de la sécurité sociale, dès lors que la date de départ du salarié est nécessairement postérieure au 1er janvier 2014 compte tenu de la date d’adoption des plans, l’action en restitution de la contribution patronale versée au titre des années 2014 et 2015 doit être déclarée recevable. »
Conclusion :
Même si Urssaf a interjeté appel du jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny et qu’il appartiendra à la Cour d’appel de Paris de se prononcer sur cette problématique, les employeurs peuvent demander immédiatement le remboursement immédiat des cotisations et contributions sociales indument versées.
La demande doit intervenir dans un délai de trois ans à compter dudit départ.
Benjamin Louzier
Avocat Associé