Harcèlement : les attestations produites par l’employeur sont valables

Dans une décision du 5 décembre 2018 (Cass. soc., 5 décembre 2018, nº 17-24.794 F-D) la Cour de cassation précise que l’employeur peut démontrer avec de simples attestations des salariées victimes que le harcèlement reproché à un salarié licencié pour faute grave, est établi.

Les faits :

Quatre jeunes stagiaires avaient déclaré sous forme d’attestations que le salarié en charge de leur formation avait une attitude indécente à leur égard.

Elles faisaient notamment état d’un comportement trop familier via des remarques quotidiennes, des questions sur leur vie privée et de propos déplacés, grossiers et ambigus :

  • « qu’est-ce que tu es belle »,
  • « bon, quand est-ce qu’on couche ensemble »,
  • « mais c’est moi ton loulou, ça y est on couche ensemble une fois et tu m’oublies »

Suite à une enquête interne, l’employeur a donc licencié le salarié pour faute grave.

La cour d’appel a toutefois jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que ce comportement ne pouvait pas « s’analyser en une invitation ou provocation à caractère sexuel ou puisse révéler une quelconque atteinte délibérée à la dignité de ces personnes ».

Par un premier arrêt rendu le 3 décembre 2014, la Cour de cassation en a décidé autrement, jugeant que les propos tenus par le salarié étaient de nature à caractériser un harcèlement sexuel (Cass. soc., 3 décembre 2014, nº 13-22.151 )

L’affaire a donc été renvoyée devant une autre cour d’appel.

Contre toute attente, les juges du fond ont jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette fois au motif notamment que les déclarations des jeunes femmes :

« [manquaient] de spontanéité, dans la mesure où, pour trois d’entre elles, elles [avaient] été recueillies directement en la forme d’attestations pouvant être produites en justice, après un simple entretien avec le supérieur hiérarchique du salarié, sans que soient rapporté les circonstances dans lesquelles cet entretien s’[était] déroulé et la teneur des propos qui [avaient] pu être tenus ».

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel.

La décision :

La Cour de cassation a jugé que : dès lors que les attestations sont de nature à caractériser un harcèlement sexuel, la manière dont elles ont été obtenues importe peu, tant qu’elles n’ont pas été recueillies abusivement ou qu’il n’est pas démontré qu’il s’agit de pures attestations de complaisance.

Conclusions :

  • Les attestations produites en justice par l’employeur sont valables : il appartient au salarié de démontrer qu’elles ont été abusivement recueillies ou qu’il s’agit d’attestations de complaisance.

 

  • En cas d’accusation de harcèlement : il est préférable d’engager une enquête contradictoire et de rédiger des procès-verbaux d’audition en présence d’un membre du CSE. Mais de simples attestations pourraient aussi suffire.

 

  • Si la preuve est libre en matière prud’homale, il faut rappeler que la Cour de cassation a posé pour principe que pour retenir l’existence d’une faute commise par un salarié, le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. De tels témoignages doivent donc être écartés en l’absence de tout autre élément de preuve.

 

Benjamin Louzier
Avocat Associé