Constatant que certains de ses produits étaient commercialisés sur une plateforme internet, la société Caudalie avait assigné en référé la société éditant cette plateforme afin qu’il lui soit délivré injonction de cesser ladite commercialisation.
Par arrêt du 2 février 2016, la Cour d’appel de Paris avait infirmé l’ordonnance de référé ayant accueilli cette demande, au motif que le réseau de distribution sélective de la société Caudalie était illicite au regard des règles du droit de la concurrence.
Relevant que cette dernière entendait interdire à ses distributeurs sélectionnés d’utiliser des places de marché électroniques pour revendre ses produits, les juges d’appel considéraient qu’une telle interdiction était « susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l’exemption communautaire individuelle visée à l’article L. 442-6, I, 6° », au regard notamment « de deux décisions de l’Autorité de la concurrence des 23 juillet 2014 et 24 juin 2015, concernant le réseau de distribution sélective « Samsung », du communiqué de presse de cette Autorité du 18 novembre 2015 dans une affaire Adidas similaire, de la position récemment prise par l’Autorité de la concurrence allemande en faveur du caractère anticoncurrentiel d’une pratique comparable dans les contrats de distribution sélective « Asics » et « Adidas », enfin, de la consultation d’un professeur de droit ».
Par arrêt du 13 septembre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait cassé cet arrêt au motif qu’ : « en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi les décisions auxquelles elle se référait étaient de nature à écarter l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’atteinte au réseau de distribution sélective de la société Caudalie, dont la licéité avait été admise par la décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 du Conseil de la concurrence, qui n’avait pas fait l’objet de révision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; ».
Par arrêt du 13 juillet 2018 (RG n°17/20787), statuant sur renvoi, la Cour d’appel de Paris confirme finalement l’ordonnance de référé qui avait fait droit à la demande d’injonction de la société Caudalie.
Se référant à l’arrêt « Coty » de la CJUE du 6 décembre 2017, elle estime que « la société Caudalie justifie de la licéité de son réseau de distribution sélective », dès lors notamment que :
- « Les produits de la marque Caudalie correspondent à des produits de luxe» ;
- « Le seul fait qu’il s’agisse de produits de parapharmacie n’en fait pas des produits banals, contrairement à ce qu’indique la société [éditant la plateforme internet]» ;
- « A cet égard, l’arrêt Coty concerne également, comme l’indiquent expressément les paragraphes 2 et 8 de l’arrêt, un fournisseur de produits cosmétiques de luxe. Ainsi que l’expose la CJUE au paragraphe 25 de cet arrêt, la qualité de tels produits résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe et cette sensation constitue un élément essentiel desdits produits pour qu’ils soient distingués, par les consommateurs, des autres produits semblables» ;
- « S’agissant des produits Caudalie, le contrat de vente à distance par internet prévoit notamment des conditions tenant à la mise en place d’un service de conseil permanent par un pharmacien-conseil du lundi au vendredi, de 9 h à 19 h, avec la possibilité pour le consommateur de poser des questions par courriels auxquels il doit être répondu dans les 48 heures qui suivent».
En outre, la Cour d’appel de Paris prend soin de remarquer que « comme l’a indiqué la DG Concurrence de la Commission européenne dans son commentaire de l’arrêt Coty, il n’y a pas lieu d’exclure que l’interdiction de vente via des plateformes dans les accords de distribution sélective puisse être conforme à l’article 101, §1, du TFUE pour d’autres catégories de produits que celle des produits de luxe ».
Régis PIHERY
Avocat Associé