Comment se défendre contre des accusations de harcèlement moral ?
Dans une décision du 7 février 2018 (n°16-19.594) la Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour d’appel de Chambéry qui a débouté la salariée de ses demandes de condamnation de l’employeur pour harcèlement moral.
La motivation de la décision donne des indications précises sur les pièces qu’attendent le juges dans ce type d’affaire.
On sait qu’en la matière la charge de la preuve est partagée. D’après l’article L.1154-1 le salarié doit « …présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement » et l’employeur doit, si ces faits sont probants, prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce:
- la salariée produisait des lettres écrites de sa main pour prouver les actes de harcèlement : ces élément ont été jugés inopérants « parce qu’ils avaient été écrits par elle-même… »
- La salariée évoquait « …la remise en cause systématique de la qualité de son travail, des entretiens de recadrage humiliants, la mise en doute de sa pathologie cardiaque, des réflexions sur son handicap, des propos dégradants et des courriers incessants, qui ont eu pour effet une dégradation importante de son état de santé psychologique… ». Elle produisait une attestation d’une autre salariée qui indique que la “ direction n »a pas cessé de se plaindre des mauvaises prestations de Madame Y allant même à accuser l’handicap de cette personne étant l’élément principal de ses piètres résultats. Sur la méthode de management du SPF, je peux témoigner du harcèlement systématique qu’exerçait Madame C, trésorière du SPF, auprès de Madame Y. Cette personne procédait envers l’ensemble du personnel par des vexations régulières au quotidien ” : l’attestation a été écartée par la Cour car elle ne désigne « aucun fait précis et fait état d’un comportement constant à l’égard de tous qui ne correspond pas même aux déclarations de la salarié »
- La plaignante produit une autre attestation : également écartée par la Cour car cette salariée « est elle-même en litige prud’homal avec l’employeur dans ce cadre un harcèlement »
- La salariée produisait son dossier médical : inopérant car elle a toujours été déclarée apte par le Médecin du travail et il ressort du dossier médical que la salariée « n’avait fait état d’aucune doléance quant au comportement de la direction »
- Son médecin traitant avait fait état d’« un état dépressif réactionnel » : inopérant car « aucun certificat d’arrêt de travail pour maladie professionnelle n’a alors été régularisé »
- Le syndrome anxio-dépressif réactionnel dont la salariée a souffert avait été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie comme une maladie professionnelle : non suffisant car « cette régularisation étant intervenue a posteriori et même après le licenciement »
- Son médecin indiquait que les problèmes de santé de sa patiente “ contre indiquent tout stresse psychologique au travail et dans sa vie personnelle ” : inopérant car « cela met simplement en évidence la fragilité de celle-ci et n’apporte pas d’élément quant à un éventuel harcèlement sur le lieu du travail »
- le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a reconnu le caractère professionnel du syndrome de stress traumatique subi par Madame Y et a mis en évidence pour justifier sa décision des “ dysfonctionnements importants au sein de la fédération départementale avec des conflits entre les bénévoles et les salariés ” : inopérant car « ce constat ne permet pas de retenir des faits de harcèlement sur la personne même de Madame Y mais met en évidence un environnement de travail pouvant générer du stress »
Benjamin Louzier
Avocat associé