Une construction conforme à un permis de construire et aux règles d’urbanisme peut être démolie en cas de trouble anormal de voisinage.
Par une décision du 7 décembre 2017, la Cour de cassation a rendu un arrêt totalement inédit et d’une particulière sévérité en jugeant que la démolition pouvait être prononcée à l’encontre d’une construction réalisée conformément à un permis de construire et aux règles d’urbanismes car générant un trouble anormal de voisinage. Ce faisant, la Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel de Nancy rendu 2 ans auparavant.
Le trouble anormal de voisinage était en l’espèce caractérisé par une perte d’ensoleillement et une perte de luminosité substantielle puisque perçue dès le début de l’après-midi. Précisons que ces troubles ont été constatés sur une année entière par un Expert judiciaire, lequel a conclu à une dépréciation de la valeur vénale de l’habitation de 60 à 70%.
Les effets de la construction apparaissent, à la lecture de l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy, d’une particulière gravité sur la propriétaire voisine à l’origine de l’action en démolition.
Toutefois, l’arrêt de la Cour de cassation ne manque pas de surprendre tant il est en décalage avec la jurisprudence constante et avec la réforme récente restreignant le périmètre de la démolition des constructions irrégulières (cf. article L.480-13-1° du Code de l’urbanisme issue de la loi « Macron » du 6 août 2015 conforme à la Constitution ; voir également en ce sens : http://iblog.redlink.fr/?p=2652).
Car en effet, en dehors du dispositif de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme, lequel prévoit les cas de démolition de constructions illégales, l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage débouchait habituellement sur l’octroi de dommage et intérêts, la démolition n’étant prononcée qu’en cas de construction réalisée en violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique.
Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2017, le permis de construire devenu définitif car purgé des voies de recours des tiers, ne protégerait donc pas les constructeurs contre les actions en démolitions des voisins mécontents sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, dont on rappelle qu’il s’agit d’un régime sans faute.
Voir également ci dessous : CA de Nancy, civ., 1ère 29 juin 2015, n°1519/2015, 14/01346
CA de Nancy, civ., 1ère 29 juin 2015
Ombeline Soulier-Dugénie
Avocate Associée