Franchise : rejet de la demande d’un franchisé fondée sur l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce sanctionnant les déséquilibres significatifs dans les droits et obligations des parties
L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce dispose qu’: « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Dans un arrêt du 22 novembre 2017 (RG n° 15/01067), la Cour d’appel de Paris déboute un franchisé d’une demande tendant à obtenir, sur le fondement de ce dispositif, la condamnation de son franchiseur au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu’il estimait avoir subis.
En l’occurrence, le franchisé alléguait qu’en application de contrats de franchise conclus notamment en 2000, 2003, 2006 et 2009, son franchiseur l’avait « soumis, tout au long de la relation commerciale, à un déséquilibre significatif dans l’exécution de leurs relations commerciales, en lui imposant d’importants travaux de mise aux normes du concept [du franchiseur] dans [ses magasins] sous peine de résiliation de leur contrat de franchise alors même que [le franchiseur] ne s’imposait pas de telles normes pour ses succursales, n’assurant alors pas la promotion de son réseau qui constitue pourtant une obligation essentielle pour le développement de l’enseigne ». Le franchisé ajoutait que « le déséquilibre significatif peut ressortir d’une clause du contrat mais également s’apprécier dans l’exécution ou plutôt la non-exécution d’une des clauses du contrat par le franchiseur » et soutenait que ce dernier ne démontrait pas « avoir réalisé des travaux de mise aux normes de ses succursales ».
La Cour rejette les prétentions du franchisé, considérant :
- D’une part, s’agissant des contrats conclus avant le 1er janvier 2009, que « [le franchisé] ne saurait exciper utilement des dispositions de l’article 21 IV de la loi du 4 août 2008, dite LME, devenu le nouvel article L. 442-6, I, 2° du code de commerce (…) dans la mesure où il n’est applicable qu’aux contrats conclus à compter de cette date».
- D’autre part, s’agissant du contrat conclu en 2009, qu’« il est constant que le contrat de franchise en cause disposait de clauses imposant au franchisé des aménagements spécifiques de son point de vente. Cette obligation inhérente au contrat de franchise est justifiée en ce que protégeant le savoir-faire du franchiseur dont le caractère secret, substantiel et identifié n’est pas contesté, elle permet d’assurer l’uniformité et l’identité commune du réseau et par suite, son développement, et elle constitue la contrepartie de la transmission du savoir-faire du franchiseur. Elle est donc nécessaire à l’équilibre de la convention, ce que d’ailleurs les appelants ne contestent pas, faisant seulement grief au franchiseur de ne pas avoir exécuté lui-même cette obligation dans ses succursales.» ; sur ce dernier point, la Cour précise que « le franchiseur justifie avoir procédé à des investissements importants dans ses succursales à hauteur de 6,5 millions d’euros suivant devis et factures portant sur des travaux de rénovation et d’aménagement de sorte que l’existence d’aucun déséquilibre significatif n’est avérée ».
Cette solution s’inscrit dans la lignée de plusieurs arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris (cf. notamment CA Paris, 3 sept. 2014, RG n°12/09785 ; 14 déc. 2016, RG n°14/14207 ; 17 mai 2017, RG n°14/18290), aux termes desquels cette dernière a expressément reconnu que des déséquilibres au sein de contrats de franchise pouvaient être justifiés non seulement par les contreparties offertes par le franchiseur (mise à disposition d’un savoir-faire commercial et de signes distinctifs, assistance) mais également par la nécessité de préserver l’identité, l’homogénéité et la réputation du réseau.
Régis Pihery
Avocat Associé