Franchise : sur la preuve du savoir-faire lors de contentieux initiés par des franchisés
Elément essentiel du contrat de franchise, le savoir-faire a été défini récemment par la chambre commerciale de la Cour de cassation comme « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié » (Cass. com., 8 juin 2017, n°15-22.318).
Dans plusieurs affaires, des franchisés contestaient l’existence du savoir-faire de leur franchiseur aux fins d’obtenir la nullité de leur contrat de franchise, le rejet de la demande de résiliation du contrat de franchise formulée par le franchiseur ou l’inopposabilité de la clause de non-concurrence postcontractuelle prévue par le contrat (CA Aix-en-Provence, 16 nov. 2017, RG n°2017/375 ; CA Versailles, 10 oct. 2017, RG n°16/05168 ; CA Paris, 16 nov. 2017, RG n°16/16213).
Les juges rejettent leurs prétentions, considérant que les franchiseurs concernés démontraient un réel savoir-faire.
En l’occurrence, ces derniers mettaient en exergue divers éléments, tels que le contenu du manuel opératoire remis aux franchisés, la formation dont ces derniers avaient pu bénéficier, l’absence de contestation formulée précédemment par le franchisé demandeur, l’ancienneté du réseau de franchise, le nombre de franchisés au sein de ce réseau, les résultats des autres franchisés du réseau voire du franchisé demandeur lui-même, ainsi que les clauses du contrat de franchise explicitant le contenu du savoir-faire :
- « Il est rappelé à titre liminaire que [le franchisé] a d’une part, disposé du manuel opérationnel [du franchiseur] dès le mois de juin 2010 et a bénéficié d’une formation dans un établissement (du franchiseur] en septembre 2010, avant la signature du contrat de franchise. (…) Quoi qu’il en soit, ce document, produit aux débats, ne se résume pas à la communication de recettes simples, il détaille le concept [du franchiseur] (…). Le réseau de franchise bénéficie également de recettes actualisées chaque saison, d’une communication commune, de supports publicitaires communs et de conditions tarifaires négociées auprès des fournisseurs du réseau. L’ensemble de ces éléments permet à des personnes sans aucune expérience dans cette activité de prendre en main un tel commerce en mettant immédiatement en oeuvre les règles transmises par le franchiseur. À défaut, l’ensemble de ces éléments et informations n’auraient pas été facilement accessibles pour le franchisé dépourvu d’expérience. Enfin, ce savoir-faire a fait ses preuves puisqu’au jour où la cour statue, le réseau perdure, s’est développé et comporte désormais 17 établissements.» (CA Aix-en-Provence, 16 nov. 2017, RG n°2017/375) ;
- « [Le franchisé] impute ainsi à faute [au franchiseur] un manquement à son obligation de transmission d’un savoir-faire efficient, en pointant l’absence de rentabilité du concept même, qu’illustreraient la situation déficitaire de plusieurs [franchisés] (…). [Le franchiseur] lui rétorque justement que, par courriel du 28 novembre 2014, [le franchisé] évoquant son souhait de voir la franchise reprise, eu égard à son état de santé, indiquait que l’outil de travail est en bon état et la clientèle très fidèle, alors qu’elle n’a préalablement jamais formé de réclamations à ce sujet, que le réseau existe depuis 1991, compte aujourd’hui environ 90 franchisés et qu’aucun manquement spécifique à l’obligation de transmission de savoir-faire n’est allégué par [le franchisé], qui ne fait d’ailleurs pas état d’un compte de résultat dégradé. » (CA Versailles, 10 oct. 2017, RG n°16/05168) ;
- « Les trois contrats signés par [le franchisé] consacrent de longs développements au savoir-faire particulier [du franchiseur] et en signant ces contrats, [le franchisé] a reconnu l’existence de ce savoir faire, pour lequel [le franchiseur] a consacré de longs développements dans ses écritures, rappelant l’expertise particulière [du franchiseur] en manière d’agencement des magasins d’optique et l’historique des concepts innovants en matière de commercialisation et notamment en dernier lieu le concept Win-Win.» (CA Paris, 16 nov. 2017, RG n°16/16213 : statuant en référé).
Régis Pihery
Avocat Associé