Réforme du droit des contrats : adoption par le Sénat en première lecture du projet de loi de ratification
Le 17 octobre, le Sénat a adopté en première lecture le Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Plusieurs articles du Code civil introduits par l’ordonnance font l’objet de modifications, dont notamment :
- L’article 1110 sur la définition des contrats de gré à gré et d’adhésion :
« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociables entre les parties.
Le contrat d’adhésion est celui qui comporte des clauses non négociables, unilatéralement déterminées à l’avance par l’une des parties. » (en gras, les modifications)
Selon la Commission des lois, ces modifications ont pour objets :
- D’une part, de limiter « l’extension du champ du contrat d’adhésion» : « le fait que toutes les clauses n’aient pas été effectivement négociées et qu’une partie ait adhéré à des clauses proposées par l’autre partie sans les négocier ne signifie pas que l’on est en présence d’un contrat d’adhésion. Ce type de contrat se caractérise par le fait qu’une partie propose le contrat sans permettre à l’autre partie d’en discuter tout ou partie des stipulations, ce qui peut seul justifier le mécanisme de sanction des clauses abusives (…) le critère distinctif pertinent est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation ».
- D’autre part, d’écarter « l’incertitude » liée à la notion de « conditions générales » : « le recours à la notion de conditions générales crée une incertitude, car celle-ci n’est pas définie, même si elle peut évoquer des notions connues dans certains droits particuliers ».
- L’article 1143 sur le vice de violence en cas d’abus de dépendance :
« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. » (en gras, les modifications)
Là encore, l’objectif de la Commission des lois est d’éviter une application « très large » du dispositif, « la définition potentielle de l’état de dépendance ouverte au juge apparaissant comme très vaste » ; le fait de « qualifier d’économique l’état de dépendance [doit permettre de] rétablir une formulation connue et bien établie par la jurisprudence ».
- L’article 1171 sur la sanction des déséquilibres significatifs dans les contrats d’adhésion :
« Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, unilatéralement déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. » (en gras, les modifications)
Il s’agit ici, selon la Commission des lois, « de limiter la sanction des clauses abusives aux clauses non négociables unilatéralement déterminées par l’une des parties, dans les contrats d’adhésion » et non à toutes les clauses de ces contrats, « c’est-à-dire même celles qui ont pu être effectivement négociées ».
- L’article 1195 relatif à l’imprévision :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, mettre fin au contrat, à la date et aux conditions qu’il fixe. » (en gras, les modifications)
Est ainsi supprimé le pouvoir de révision judiciaire en cas d’imprévision, ce pouvoir apparaissant pour la Commission des lois « à la fois contraire à la sécurité juridique et source d’un nouveau contentieux, les conditions de cette révision étant relativement souples et les débiteurs de mauvaise foi risquant d’utiliser largement cette possibilité. »
Le texte a été transmis le 18 octobre à l’Assemblée nationale, en vue de son adoption par cette dernière en première lecture.
Régis Pihéry Avocat Associé