Affaire Intel : La Cour annule l’arrêt du Tribunal condamnant Intel à une amende de 1,06 milliard d’euros pour abus de position dominante dans le cadre de rabais liés à une exclusivité d’approvisionnement.
Le 13 mai 2009, la Commission avait condamné Intel à la plus importante amende jamais vue de 1,06 milliard d’euros pour avoir abusé en violation des règles de concurrence de l’Union européenne et de l’Espace économique européen (EEE), de sa position dominante sur le marché des processeurs. Intel était mise en cause pour avoir entre 2002 et 2007, mis en œuvre une stratégie destinée à exclure du marché son seul concurrent sérieux, Advanced Micro Devices (AMD), en accordant des rabais à 4 fabricants d’ordinateurs, sous réserve qu’ils achètent auprès d’elle la totalité ou la quasi-totalité de leurs processeurs x86 et procédant à des paiements auprès d’un distributeur contre le même engagement.
La position dominante était retenue par la Commission puisqu’Intel détenait environ 70 % ou plus des parts de marché et « qu’il était extrêmement difficile pour les concurrents d’entrer et de se développer sur le marché en raison du caractère irrécupérable des sommes à investir dans la recherche et le développement, la propriété intellectuelle et les installations de production ». Ces pratiques avaient « sensiblement réduit la capacité des concurrents d’Intel à se livrer à une concurrence fondée sur les mérites de leurs processeurs x86. Le comportement anticoncurrentiel d’Intel a ainsi contribué à réduire le choix offert aux consommateurs ainsi que les incitations à l’innovation. » (Cf. communiqué de presse de la CJUE, n°90/17 du 6 septembre 2017).
Le 12 juin 2014, le Tribunal avait rejeté le recours d’Intel.
Intel reprochant au Tribunal de n’avoir pas examiné les rabais litigieux au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce (incluant l’examen du niveau des rabais en cause, de la durée de ceux-ci, des parts de marché concernées, des besoins des clients et de la capacité des rabais d’évincer un concurrent aussi efficace (as efficient competitor test, ci-après le « test AEC »), afin d’établir que de tels rabais sont susceptibles de restreindre la concurrence et, partant, constituent un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE). Cependant, la Cour indique au point 142 de son arrêt que « la Commission, tout en soulignant que les rabais en cause avaient, par leur nature même, la capacité de restreindre la concurrence de sorte qu’une analyse de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, en particulier, un test AEC n’étaient pas nécessaires pour constater un abus de position dominante (…), a néanmoins opéré un examen approfondi de ces circonstances, en consacrant (…) des développements très détaillés à son analyse menée dans le cadre du test AEC, analyse qui l’a conduite à conclure, aux points 1574 et 1575 de ladite décision, qu’un concurrent aussi efficace aurait dû pratiquer des prix qui n’auraient pas été viables et que, partant, la pratique de rabais en cause était susceptible d’avoir des effets d’éviction d’un tel concurrent. »
Cependant, la Cour juge que l’arrêt du Tribunal doit être annulé car « dans la décision [de la Commission européenne], le test AEC a revêtu une importance réelle dans l’appréciation par la Commission de la capacité de la pratique de rabais en cause de produire un effet d’éviction de concurrents aussi efficaces. (…) Le Tribunal était tenu d’examiner l’ensemble des arguments d’Intel formulés au sujet de ce test », ce qu’il n’a pas fait, Intel reprochant à la Commission de n’avoir effectué le test AEC dans les règles de l’art et en commettant des erreurs
Frédéric Fournier
Avocat Associé