Loi El-Khomri et Franchise, les décrets in extremis mais beaucoup d’incertitudes

Loi El-Khomri et Franchise, les décrets in extremis mais beaucoup d’incertitudes. 

Décret n° 2017-773 du 4 mai 2017 relatif à l’instance de dialogue social mise en place dans les réseaux d’exploitants d’au moins trois cents salariés en France liés par un contrat de franchise.

Rappelons que la loi Travail a créé des instances de dialogue social dans les réseaux d’exploitants d’au moins 300 salariés au sens des articles L1111-2 et L1111-3 du code du travail, liés par un contrat de franchise contenant des clauses.

Nulle définition n’est donnée de l’exploitant. 

Dans ce texte, un réseau de franchise est un réseau de franchisé mentionné à l’article L. 330-3 du code de commerce. Cela commence mal : ce texte ne vise que l’information précontractuelle en cas d’approvisionnement exclusif et mise à disposition d’enseigne et partant, la franchise mais pas seulement.

Cela concerne les réseaux susvisés où les entreprises sont liées par un contrat comportant « des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées ».

Une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l’une des branches dont relèvent ces entreprises, peut demander la constitution d’une instance de dialogue.

Si elle souhaite cette instance, elle demandera au franchiseur d’engager la négociation de l’accord tendant à déterminer la composition de l’instance, les règles régissant le mode de désignation de ses membres, la durée de leur mandat, la fréquence des réunions, les heures de délégation octroyées pour participer à cette instance, leurs modalités d’utilisation, les dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions ainsi que la prise en charge des frais de séjour et de déplacement, elle notifie sa demande, par tout moyen de nature à conférer date certaine à sa réception. Elle joint les documents de nature à justifier sa qualité pour présenter cette demande au regard des exigences définies à cet article.

Les employeurs des entreprises du réseau de franchise employant au moins un salarié sont informés de cette demande par le franchiseur. Ils communiquent au franchiseur, par tout moyen et dans un délai de quinze jours, la moyenne sur l’année écoulée de leurs effectifs au sens de l’ article L. 1111-2 du code du travail.

Que se passe-t-il s’ils ne procèdent pas à cette communication ou qu’elle est erronée, d’autant que le franchiseur a deux mois pour créer l’éventuel « groupe de négociation » ?

Le texte ne répond pas à cette interrogation.

Si les conditions de création de l’instance ne sont pas réunies, le franchiseur en informe par tout moyen les employeurs des entreprises du réseau et l’organisation syndicale demanderesse.

Et non les franchisés donc…

L’article 2 laisse aussi circonspect.

Dans un délai de deux mois suivant la date de notification de la demande de l’organisation syndicale, sous réserve de la réunion des conditions, le franchiseur sollicite, en vue de la constitution d’un groupe de négociation :

  1. Les organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la branche ou, lorsque les entreprises du réseau relèvent de différentes branches, chacune des organisations syndicales de salariés représentative au sein de l’une de ces branches au moins ;
  2. L’ensemble des employeurs des entreprises du réseau employant au moins un salarié.

Puis un mois doit s’écouler après la sollicitation pour que le franchiseur, toujours lui, réunissent un groupe de négociation constitué de deux collèges composés d’un nombre égal de membres, qu’il fixe en tenant compte du nombre des organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la branche, notamment.

Que se passe-t-il encore si les organisations sollicitées ne respectent pas des délais raisonnables, le texte ne le précise pas…

Enfin, les franchisés informent par tout moyen de nature à conférer date certaine leurs salariés de l’ouverture de la négociation, de son objet et de la composition du groupe de négociation. Cela suppose donc que le franchiseur les informe auparavant.

Et ce n’est pas fini, pour qu’un accord valable intervienne, il convient de réunir les conditions cumulatives suivantes : signature par le franchiseur, l’organisation syndicale dont relèvent les entreprises du réseau ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux élections prises en compte pour la mesure de leur audience et celle des employeurs dont les entreprises représentent au moins 30 % des entreprises du réseau de franchise et emploient au moins 30 % des salariés du réseau. Enfin, il ne faut aucune opposition notifiée dans un délai de huit jours à compter de la date de signature, d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives majoritaires au niveau de la branche ou des branches dont relèvent les entreprises du réseau. L’accord est ensuite déposé par la partie la plus diligente auprès de la DIRECCTE.

Si la négociation n’a pas abouti durant les six mois, le franchiseur établit un constat de désaccord, sauf si une majorité des membres du groupe de négociation, dont un représentant du franchiseur, souhaite prolonger la négociation.

A défaut d’accord, l’instance est composée de deux collèges représentant respectivement les salariés et les employeurs.

Le nombre de membres de chaque collège est ainsi fixé :
a) Si le réseau compte 300 à 1 999 salariés : 3 titulaires et 3 suppléants pour chacun des collèges ;
b) Si le réseau compte au moins 2 000 salariés : 4 titulaires et 4 suppléants pour chacun des collèges.
Dans le collège des employeurs, un des sièges de titulaires et un des sièges de suppléants sont attribués de droit à des représentants du franchiseur.

Les représentants des salariés et des employeurs des entreprises du réseau sont renouvelés tous les quatre ans.

En cas de litige, le tribunal d’instance compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège social du franchiseur. Le tribunal d’instance du 15e arrondissement de Paris est seul compétent lorsque le franchiseur a son siège social à l’étranger.

Restent donc de nombreuses interrogations et contraintes à venir…

 

Frédéric Fournier
Avocat Associé

Laisser un commentaire