Droit public / contrat administratif : changer de cocontractant en urgence (mise en régie et mise en concurrence)
1. Il arrive que les cocontractants des personnes publiques rencontrent des difficultés importantes, voire rédhibitoires, lors de l’exécution de contrats publics.
Dans ce contexte, la personne publique dispose du pouvoir de « débloquer » la situation en faisant exécuter les prestations à réaliser aux frais et risques du cocontractant, soit par une entreprise tierce, soit directement par elle-même. Cette action s’appelle la « mise en régie ».
Même si son exercice est subordonné à certaines conditions, les opérateurs économiques doivent intégrer d’une part que ce pouvoir s’applique même si le contrat ne comporte aucune indication sur ce sujet et d’autre part qu’il est d’ordre public, c’est à dire que la personne publique ne peut pas légalement y renoncer (CE, Ass., 9 novembre 2016, Société Foxmax LNG, req. n° 388806).
2. En pratique, la mise en régie implique – le plus souvent – qu’un nouvel opérateur économique soit désigné pour poursuivre l’exécution des prestations prévues au contrat initial (conclu avec l’opérateur défaillant).
Or, en matière de commande publique, un opérateur économique ne peut normalement être choisi par la personne publique qu’à l’issue d’une procédure de publicité et de mise en concurrence.
Cependant, dans certaines situations, la mise en œuvre d’une telle procédure n’est pas compatible et/ou adéquate avec la mise en œuvre d’une mise en régie.
Le Conseil d’Etat considère qu’en cas d’urgence et de nécessité tenant à un motif d’intérêt général, la personne publique n’est pas tenue de procéder aux mesures de publicité et de mise en concurrence préalablement à la conclusion de la convention spécifique par laquelle un nouvel opérateur économique se voit confier l’exécution, pendant une durée limitée, des prestations prévues au contrat initial (CE, 14 février 2017, Grand Port Maritime de Bordeaux, req. n° 405157).
3. Si la mise en régie d’une part et la contractualisation temporaire d’autre part sont subordonnées à plusieurs conditions, les opérateurs économiques doivent cependant bien intégrer ces deux situations.
En effet, tout d’abord, l’opérateur économique qui se trouve en situation critique lors de l’exécution d’un contrat administratif doit impérativement adopter la bonne position et réaliser les bonnes démarches vis-à-vis de la personne publique cocontractante pour éviter d’aggraver sa situation et se retrouver in fine dans une situation encore plus critique à l’occasion d’une mise en régie (laquelle, rappelons-le, peut être mise en œuvre même si le contrat ne prévoit rien à ce sujet).
Ensuite, les opérateurs économiques doivent appréhender cette situation particulière qui leur permet d’accéder à un contrat administratif, certes sans mise en concurrence, mais dans un environnement très spécifique (dont la sécurité juridique doit donc être vérifiée) et pour une durée limitée.
Alexandre Le Mière
Avocat Associé